Retraites, assurance chômage, salaires, compétitivité, formation, télétravail… Lors d’une conférence de presse ce 21 septembre, François Hommeril, président confédéral, a passé en revue la riche actualité sociale.
Le président confédéral a détaillé les raisons de son opposition à l’accord sur les retraites complémentaires, indiquant que la CFE-CGC comptait s’y opposer.
« Nous avons été convoqués fin juin 2021 à une négociation dont l’objectif était de modifier les règles de pilotage du régime de retraite complémentaire Agirc-Arcco. Pour justifier cette réforme, le Medef et ses partenaires patronaux s’appuient sur des scénarios qui anticipent une baisse des réserves en-dessous de six mois de cotisations à l’horizon 2029. Ces prévisions, à notre avis, ne sont pas réalistes et sont contredites par d’autres scénarios tout aussi possibles. Nous contestons donc, sur le fond, la nécessité de prendre des mesures dans l’urgence.
Par ailleurs, la réforme voulue par le Medef revient à mettre à contribution les seuls retraités en dégradant la revalorisation de leurs pensions. Dans le même temps – et la CFE-CGC ne s’en plaint pas – les entreprises affichent actuellement des taux de marge records. Il n’est donc pas juste de faire porter l’effort sur les seuls retraités. Si un effort de solidarité était nécessaire pour soutenir le régime de retraite, ce qui n’est pas démontré, il faudrait le produire par une solidarité d’ensemble entre les entreprises, les actifs cotisants et les retraités, tout comme cela vient d’être fait pour lutter contre l’impact économique de la pandémie.
Le système de retraite par répartition est un régime complexe qui repose sur un pacte de solidarité permanent entre les actifs et les retraités. Toute réforme qui donne un coup de canif à cette logique d’intégration et d’inclusivité représente un grave danger. »
SALAIRE ET POUVOIR D’ACHAT
Alors qu’en cette rentrée sociale, le sujet de la revalorisation des salaires s’invite dans le débat public, François Hommeril a posé son diagnostic et fait valoir les revendications de la CFE-CGC.
« La question des salaires est centrale, en lien avec les grands équilibres de notre système social. Ce que certains appellent des charges – que nous préférons appeler des cotisations – sont en grande partie des salaires différés. Quand on nous dit “Il faut baisser les charges parce que c’est bon pour l’emploi”, c’est, en réalité, baisser les salaires.
Dans ce contexte, les négociations salariales qui s’amorcent dans les entreprises sont, de notre point de vue, le grand rendez-vous des dirigeants dans le monde d’après. Ces derniers mois, les entreprises, dans leur ensemble, ont largement profité du “quoi qu’il en coûte”, réussissant à préserver leur profitabilité et leurs marges, ceci s’accompagnant d’une forte croissance des dividendes et de la rémunération des dirigeants du CAC 40 et du SBF 80.
Se pose donc légitimement la question de la répartition du partage de la valeur. La CFE-CGC milite pour un juste rééquilibrage dans les entreprises, en faveur des salariés. C’est indispensable pour notre cohésion sociale. Nous déplorons, depuis trop longtemps, une déformation de ce partage au profit des actionnaires dans le revenu global. Ce constat est corroboré par de nombreuses études dont celles de l’INSEE et de la Banque de France.
Il faut aussi rappeler que les populations de l’encadrement (cadres, agents de maîtrise, techniciens), rouages essentiels des entreprises, connaissent une évolution salariale plus faible que la moyenne. Enfin, et comme nous l’avons récemment indiqué au Premier ministre, toute discussion sur le pouvoir d’achat, sans intégrer le logement et l’accessibilité au logement est assez vaine. »
COMPÉTITIVITÉ ET ATTRACTIVITÉ
Concernant l’attractivité de l’économie française, François Hommeril a mis en avant plusieurs freins préjudiciables à la compétitivité nationale.
« Je pense en particulier au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et à l’ouverture de la trappe à bas salaires, qui contribuent à un nivellement par le bas. L’insuffisance des moyens alloués à la recherche se répercute également négativement sur l’attractivité de notre pays. Diminution des moyens alloués à la R&D, désinvestissements, blocages du nombre de postes, fuite continue des cerveaux à l’étranger… En matière de part des investissements consacrés à la R&D, la France figure aujourd’hui parmi les mauvais élèves de l’OCDE.
Tout ceci n’a pas du tout été compensé par les 6,3 milliards d’euros du crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) dont l’efficacité n’est pas démontrée et qui n’empêche pas la délocalisation des centres de recherche. Pour la CFE-CGC, il faut revoir intégralement ce dispositif fiscal. L’exemple de Sanofi, qui a bénéficié sur 10 ans de plus de 1,5 milliard d’euros de crédits d’impôts recherche, et supprimé 3 000 emplois de chercheurs, est édifiant. »
EMPLOIS ET COMPÉTENCES
« Nous avons actuellement avec le ministère du Travail beaucoup d’échanges sur le sujet crucial de la valorisation des compétences. Pour la CFE-CGC, l’individualisation des droits à la formation, avec en particulier tous les budgets investis sur le compte personnel de formation (CPF), a conduit à une déqualification des formations et à une désescalade qualitative. Il faut par ailleurs mettre fin à ce processus de sortie des dispositifs de formation de l’entreprise, au profit de la seule affectation des budgets de formation pour les demandeurs d’emploi. Cette stratégie ne fonctionne pas : c’est inefficace économiquement et socialement. Pour la CFE-CGC, il faut réinvestir les moyens de formation dans l’entreprise au travers de dispositifs de valorisation des carrières et des parcours professionnels des individus. »
ASSURANCE CHÔMAGE
Sur le décret gouvernemental devant s’appliquer au 1er octobre, la CFE-CGC va de nouveau déposer un recours au Conseil d’État, a indiqué François Hommeril. « Le principe qui consiste à dire qu’en mettant la pression sur les chômeurs, ils trouveront un emploi, est faux. La motivation de cette réforme est inacceptable, tout comme le dispositif de dégressivité des allocations pour les cadres. »
Assurance chômage : « La CFE-CGC va faire un recours devant le conseil d’Etat. Le principe qui consiste à dire qu’en mettant la pression sur les chômeurs ils trouveront un emploi, est faux. La motivation de cette réforme est inacceptable. » @fhommeril#ConférenceDePressepic.twitter.com/GQtwbb6maX
— CFE-CGC (@CFECGC) September 21, 2021
FINANCIARISATION DES ENTREPRISES ET MONTÉE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
À une question sur l’existence actuellement d’un « blues des cadres », François Hommeril a élargi le propos à l’ensemble de l’encadrement et dénoncé les effets toxiques de la financiarisation des entreprises.
« Les remontées de nos militants, de nos sections, vont dans le même sens que les études d’opinion : il y a, effectivement, une augmentation de la souffrance et de la perte de sens au travail qui touche aussi bien les cadres que les agents de maîtrise, tous ceux qui, à un moment de leur carrière, ont souhaité prendre des responsabilités, qui ont affirmé dans l’entreprise une volonté d’évoluer vers le haut.
Ce constat est l’exacte mesure d’un phénomène qui augmente et que la CFE-CGC dénonce et combat depuis des années : celui des risques psychosociaux (RPS). La financiarisation des entreprises entraîne que tous les objectifs, toutes les actions que produit un membre de l’encadrement dans son travail (biens, services, etc.) sont jugés uniquement sur ce qu’ils apportent à la valeur financière de l’entreprise. Au détriment de la qualité et du sens du travail. Les cadres et le personnel d’encadrement ressentent, de plus en plus, cette pression financière constante comme une souffrance et comme un paradoxe inacceptables. Ils n’ont pas demandé à monter en compétences pour revenir chez eux, tous les soirs, stressés, la boule au ventre, écartelés entre les injonctions paradoxales…
« L’encadrement est tiraillé
entre ce qu’on lui demande de faire et ce qu’il considère être de + en + incapable de faire avec les moyens donnés. La conséquence est sans surprise : ce sont les risques psychosociaux. » @fhommeril#BluesDesCadrespic.twitter.com/O7E7NH138o— CFE-CGC (@CFECGC) September 21, 2021
Qui plus est, la revalorisation financière de ces personnes qui prennent des responsabilités ne cesse de se dégrader. Toutes les études montrent que les grilles de rémunération ont été mise dans l’étau depuis une trentaine d’années et que le salaire de l’encadrement a été dévalué dans toutes les branches. Ce n’est pas un hasard si la part des salaires dans le PIB ne cesse de diminuer au profit de celle revenant aux actionnaires. Tout est en lien. »
TÉLÉTRAVAIL ET NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UN COLLECTIF
Autre question sur le risque de fracture, dans les entreprises industrielles en particulier, entre l’encadrement, massivement en télétravail depuis 2020, et les effectifs de production, qui travaillent forcément sur site. François Hommeril a rappelé la position « large et prudente » de la CFE-CGC sur le télétravail.
« Le travail et son efficacité sont basés sur le principe d’un collectif, un collectif physique avec des interactions sociales. Or, on valorise toujours davantage le travail par compartiment. On se contente de mesurer ce que chacun apporte pour sa partie au résultat global. Mais cela ne marche pas ainsi. La vérité est qu’il y a des effets de synergie dans un collectif de travail rassemblé à un certain endroit, à tous les niveaux de compétences. Et que la créativité d’un collectif de travail, même si c’est difficile à mesurer, est supérieure à la somme de ce que chacun peut produire dans son coin.
Après, il ne faut pas nier que l’usage massif du télétravail contraint depuis 18 mois a posé dans la société un fait nouveau. On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé. Notre position est d’être d’une prudence absolue avant de négocier des accords trop inspirés de ce que l’on vient de connaître et qui doivent rester des pratiques exceptionnelles. Sur la question du télétravail et de son avenir, il faut regarder l’impact économique à long terme de la modification des organisations du travail, examiner les conséquences et le risque social qu’il peut y avoir, et tenir compte des aspirations des gens en les tempérant du phénomène de la conjoncture. »
« RESTAURER LA CONFIANCE » : UN CYCLE DE CONFÉRENCES CFE-CGC POUR ÉCLAIRER LES DÉBATS
En cette rentrée 2021 qui préfigure une année 2022 marquée par de grandes échéances nationales, François Hommeril a annoncé le lancement par la CFE-CGC de « Restaurer la confiance », un cycle de conférences-débats thématiques consacrés aux grandes mutations de l’entreprise, du travail et de la société. Mobilisée au quotidien sur de nombreux champs sociaux-économiques, la CFE-CGC, ses élus et ses militants accueilleront des experts (universitaires, chercheurs, sociologues, économistes, juristes…) reconnus dans leur domaine respectif. Avec une ambition commune : éclairer le débat public avec une vision prospective.
Intitulée « Comment la data change la donne ? », la première conférence-débat se tiendra le 28 septembre. Animée par Nicolas Blanc, délégué national au numérique, elle réunira quatre spécialistes venus de divers horizons. Voici le programme et l’invitation.
Source : site confédéral CFE-CGC