Une maladie chronique est un handicap. A ce titre, la personne atteinte devrait être protégée de toutes formes de discriminations au travail. C’est rarement le cas selon la dernière enquête « Concilier maladies chroniques et travail : un enjeu d’égalité » publiée par la Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT). L’ampleur des attitudes hostiles à l’encontre des malades montrent que pathologie et boulot ne font pas bon ménage.
Le cancer ou autres "maladies chroniques" sont des sources de discriminations au travail
1 malade chronique sur 6 est victime de discriminations au travail en 2023.

13% des salariés malades discriminés au travail en raison de leur état de santé

Diabète, cancer, hépatites, VIH… ces maladies chroniques ne sont pas des parenthèses dans le temps. Elles durent et impactent toutes les sphères de la vie du patient, personnelle comme professionnelle.

Selon l’enquête « Concilier maladies chroniques et travail : un enjeu d’égalité » menée conjointement par le Défenseur des droits et l’OIT, 1 personne sur 6 (13%) atteintes de maladie chronique déclare avoir été confrontée au travail à une discrimination ou à un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé.

Parmi elles, les personnes ayant une maladie chronique visible sont trois fois plus exposées à ce risque. Et principalement dans le travail au quotidien et lors de leur retour de congé maladie.

« Ces situations aboutissent aussi parfois à des licenciements : un tiers des personnes atteintes de cancer perd son emploi dans les deux ans suivant la déclaration de leur maladie », insistent les auteurs de l’étude. Si ces discriminations liées à l’état de santé surviennent dans différents contextes professionnels, elles s’expriment principalement dans le travail au quotidien et lors du retour d’un congé de maladie.

En constante augmentation, les maladies chroniques devraient toucher 25% de la population active en 2025, vs 15% en 2019 (source : Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail – Anact)

Des salariés malades mis au ban de l’entreprise

Officiellement, aucun employeur ne vous dira qu’il discrimine ses salariés malades puisque c’est répréhensible. Mais dans les faits, le quotidien des salariés atteints de maladies chroniques n’a rien de rose. Même si la volonté inclusive de l’entreprise est belle et bien effective, au quotidien, notamment avec les managers de proximité, les choses se corsent. Dans le rapport de cet enquête, les témoignages de salariés sont édifiants :

Suite à un arrêt long (maladie grave), mon supérieur m’a indiqué que ” je ne méritais pas ” de revalorisation salariale.

Anonyme. Extrait du rapport d’enquête Défenseur des droits / OIT 2023

Lors d’un entretien pour un autre poste au sein de mon entreprise, l’une des personnes présentes m’a dit ” Vous avez été absente un long moment pour maladie il y a quelques années. Comment pourrions-nous être sûrs que cela ne va pas se reproduire ?

Anonyme. Extrait du rapport d’enquête Défenseur des droits / OIT 2023

Par peur du jugement et des représailles des collègues ou de leur employeur, mais aussi pour ne pas perdre trop de jours de salaire ou encore par conscience professionnelle, 45% des salariés malades choisissent de travailler, parfois ou souvent, contre l’avis de leur médecin généraliste. Empirant ainsi leur état de santé physique mais aussi psychique. Une double peine pour plus de 73 % des malades chroniques discriminés qui reconnaissent avoir traversé une période où leur santé mentale s’est dégradée (tristesse, fatigue, dépression).

J’ai pris des anxiolytiques. J’ai pris énormément de poids, et la DRH me dit que c’est lié à mon jour supplémentaire de télétravail ! J’ai quand même pris 10 kilos, et mon médecin m’a dit, non c’est l’angoisse permanente, de devoir en permanence m’expliquer, me justifier, contester

Anonyme. Extrait du rapport d’enquête Défenseur des droits / OIT 2023

Des salariés malades résilients par la force des choses

« Au-delà des discriminations et de leurs conséquences sur l’emploi, les études sur le sujet montrent que l’épreuve de la maladie chronique peut permettre le développement ou la consolidation de nouvelles compétences (autonomisation, affirmation de ses propres désirs et résistance aux attentes d’autrui, modification du rapport à soi-même, à sa santé, développement d’un nouveau projet professionnel, etc.) et être l’occasion d’inventer un nouveau rapport au travail », soulignent les auteurs de l’étude. Une résilience que les salariés malades ne doivent qu’à eux-mêmes !

Les maladies chroniques entrainent des réflexions, des changements de comportement et une vision complètement différente du monde. (…) J’ai fait deux formations, un Master 2 et un DU après le deuxième cancer. J’ai voulu vraiment développer au maximum mes compétences, mais en faveur des patients, des patientes, et des personnes en situation de handicap. Les gens ne comprenaient pas pourquoi j’étais passée de cadre à médicosocial, j’ai divisé mon salaire en deux, on ne comprenait pas.

Anonyme. Extrait du rapport d’enquête Défenseur des droits / OIT 2023

Ça a eu des conséquences au niveau psychique, parce que j’avais l’impression de ne plus avoir une place importante dans une structure, et que la maladie avait annulé mes compétences. Donc je ne valais plus rien, j’étais nulle. J’ai dû travailler sur mes compétences, sur ce que je cherchais dans le monde et ce que je voulais faire. Ça a entrainé (…) une envie de me battre.

Anonyme. Extrait du rapport d’enquête Défenseur des droits / OIT 2023

Comment prévenir ces discriminations sur des malades chroniques ?

L’ampleur et la profondeur des discriminations sont telles qu’on se demande comment lutter contre un tel problème. La Défenseure des droits ne baisse pas les bras et recommande aux pouvoirs publics d’agir en urgence et notamment :

  • d’encourager les employeurs à mener régulièrement des campagnes internes de sensibilisation et de formation : “Au regard des résultats de l’enquête, l’information, la sensibilisation et la formation des managers de proximité et des collègues constituent des leviers essentiels pour assurer un environnement de travail non-discriminant qui tienne compte des difficultés des personnes malades et lutter activement contre les préjugés et la stigmatisation liés à la maladie,” assurent les auteurs de l’étude.
  • de renforcer les dispositions légales en matière de lutte contre les discriminations fondées sur l’état de santé ou le handicap. Elle suggère notamment de modifier la définition de la discrimination fondée sur le handicap pour y inclure l’obligation d’”aménagement raisonnable” dans tous les secteurs concernés.

Ces mesures de prévention ont pour but de maintenir le maximum de personnes sur le marché du travail, un objectif a priori raccord avec les priorités de plein-emploi voulues par le gouvernement.

Source : Cadremploi

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