Le confinement généralisé de tous ou presque pendant deux mois aura imposé aux entreprises et aux salariés une nouvelle organisation du travail dite télétravail, tout au moins dans sa version la plus sommaire et improvisée qui soit. Du jour au lendemain, il a été demandé à l’ensemble des salariés de tenter d’accomplir au mieux leur fonction depuis leur domicile, avec la diversité des configurations, équipements, qualités de réseau et prédispositions que l’on imagine.
Jusqu’alors, le télétravail, malgré la conception nouvelle qu’en suggérait les “ordonnances Macron”, s’apparentait un peu à l’Arlésienne : on en parlait beaucoup mais bien peu l’avaient entraperçu. Du jour au lendemain, geeks, moins agiles et même réfractaires au numérique furent contraints de s’essayer à cette forme de travail inhabituelle et aux visio-réunions.
Une fois passés les premiers engouements et lassitudes aussi, les contraintes de la vraie vie n’ont pas tardé à rattraper les télétravailleurs subordonnés et managers, imposant à ces derniers un défi inattendu. Comment, en effet, manager et animer des télétravailleurs entièrement digitalisés, travaillant depuis chez eux, soudain maîtres de leurs horaires et de leur organisation, tout en évitant de trop laisser se distendre les liens entre le salarié, son hiérarchique et l’entreprise ?
Pour l’entreprise c’est , en première analyse, tout bénéfice : moins de frais et davantage de productivité, souvent au détriment de la qualité de vie, nous y reviendrons. Pour le salarié, hormis les conséquences négatives lourdes que nous développerons également, les verbatim recueillis évoquent moins de contraintes, plus de souplesse, l’économie des temps de trajet et une meilleure autonomie. Travailler sous un parasol depuis sa terrasse et en tongs, c’est certes toujours travailler, tout autant sinon plus d’ailleurs, mais à l’évidence avec un ressenti très différent.
Mais l’encadrement intermédiaire, le Directeur de zone dans notre entreprise, s’y retrouve-t-il ? Que deviendra sa fonction lorsque se banalisera l’organisation en télétravail ? De quelle valeur ajoutée pourra-t-il encore justifier ? Il y a un certain temps, nous avions déjà évoqué sur ce blogue le “management Outlook-Excel” des Directeurs de zone comme conséquence de l’extension continue des périmètres qui leur sont impartis. Dans un premier temps, le télétravail risque fort d’entériner définitivement ce management presque exclusivement basé sur un suivi à distance d’indicateurs chiffrés et une production industrielle de courriels, assortie d’un mi-temps passé au téléphone.
Mais dans un second temps se posera, c’est inéluctable, la question de la valeur ajoutée de cet encadrement intermédiaire dont le coût global finira par paraitre bien élevé – salaire, charges sociales, véhicule, déplacements, etc… – pour finalement pratiquer à distance l’analyse comparative de données chiffrées, produire des courriels, téléphoner et cravacher à distance les retardataires. Une fois dépouillée de la présence physique, du charisme, de la capacité à donner envie, à animer, à montrer, réconforter, accompagner, expliquer en face-à-face, que demeurera-t-il de la fonction ? Un honnête stagiaire issu des filières BEP/bac pro vente ou compta, rémunéré à vil prix, fera sans doute alors parfaitement l’affaire pour l’accomplir.
D’ailleurs qui se souvient qu’il y eut jusqu’à 110 Directeurs de secteur – ancien intitulé de la fonction de Directeur de zone – chez Adecco France alors qu’il ne reste même plus une trentaine de Directeurs de zone à ce jour ?
Nous sommes d’autant plus affligés par cette situation que nombre d’entre eux nous manifestent régulièrement leur soutien, de façon timide certes, nous pouvons le comprendre, et que nous sommes le syndicat des cadres et de l’encadrement en général.