Ce qui surprend le plus lorsque l’on va à la rencontre des salariés permanents Adecco, c’est ce mélange paradoxal de conscience professionnelle, d’envie de bien faire, de s’investir au mieux et, en même temps, cette profonde et, semble-t-il, irrémédiable démotivation ; une sorte d’ambivalence, de dilemme intérieur permanent et surtout de conflit de valeurs. Des salariés désabusés nous disent “Heureusement qu’on aime ce qu’on fait !” ou encore “On ne peut pas planter les clients et laisser tomber les intérimaires“. Mais ils nous disent aussi et souvent en même temps “Je n’y crois plus, j’attends le prochain PSE“, “Comment fait-on pour profiter d’une rupture conventionnelle ?“.  
En aura-t-il fallu des maladresses et des erreurs stratégiques répétées pour en parvenir à pareille situation ! Heureusement pour l’entreprise, des valeurs fortes animent la plupart des collègues permanents malgré tout ce qu’ils subissent depuis des années et les bribes de motivation les habitant encore relèvent presque du miracle perpétuel pour un observateur extérieur. Chaque fois se pose la même question : comment une entreprise peut-elle encore réussir et obtenir des résultats enviables, les meilleurs de la profession, lorsqu’une large majorité de ses salariés sont à ce point désabusés, lassés, incrédules et blasés ? Nos lecteurs réguliers, sympathisants, adhérents et élus connaissent les réponses à cette question et savent parfaitement comment sont obtenus les résultats de l’entreprise depuis les années de décrue du marché de l’intérim, c’est-à-dire, pour faire simple, depuis 2008. Tel un pilote dont la montgolfière perd de l’altitude, la direction jette régulièrement du lest par dessus bord pour faire remonter son ballon. Le problème c’est que le lest c’est vous, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs nos collègues !

Lorsque nous rencontrons des collègues sur leur lieu de travail, bien sûr, dès les premières minutes, le sujet de la rémunération accapare la discussion mais il est bien vite supplanté par des griefs tels que le manque de reconnaissance, l’absence d’accompagnement, de suivi, le désintérêt général manifesté pour leur investissement et parfois même leur sacrifice, le manque d’écoute, l’incompréhension devant certaines orientations, l’enfermement dans les procédures et la fuite en avant informatique, l’incohérence de certaines décisions, l’humiliation de ne plus être considéré que comme une “cash-machine” plus ou moins performante, l’instabilité des systèmes de rémunération et d’intéressement, etc… La liste est longue des mécontentements, incompréhensions et reproches à destination de la direction. 
La rémunération demeure bien sûr l’un des points-clefs de la contestation mais il ne peut être considéré comme le seul, sous peine de passer à côté d’attentes essentielles, elles aussi. Mais tout cela, la direction le sait car nous lui remontons régulièrement nos observations issues du terrain. Elle a ses réseaux mais aussi et surtout les remontées régulières d’un encadrement pris en otage et à bout de nerfs, dont la mission s’avère de plus en plus intenable. Quant à la direction, piégée par les oukases du Moloch zurichois, elle semble n’avoir d’autre issue que de s’enfoncer dans un insondable autisme, quitte à se séparer mois après mois des cadres dirigeants affichant le moindre état d’âme ou le début de commencement d’un désaccord. Combien de DRH et de cadres dirigeants ont quitté l’entreprise depuis deux ans ? Nous avons malheureusement eu, une fois encore, la preuve de cet autisme lors du Comité central d’entreprise de mercredi (18 juin). A lire dès lundi.

La semaine prochaine sur ce blogue :
L’appel du 18 juin n’a pas été entendu
Avez-vous des économies à placer à la Goldman Sachs ?

5 Commentaires

  1. Excellent article très juste sur l'analyse.
    Mais vous parlez de la décrue du marché du TT, OK ; mais comment expliquer que des moyens et petits de la profession, non seulement s'en sortent mais affichent des taux de progression à 2 chiffres années après années ?
    Cela corrobore bien votre analyse, c'est la légèreté des organisations, la proximité des lignes hiérarchiques, l'humanité intrinsèque de ce type de structure qui en fait la réussite.
    Après avoir quitté Adecco via le PDV, je suis maintenant dans ce type de PME et ça a été une résurrection professionnelle et relationnelle.
    Zéro pression (l'important c'est uniquement de ne pas être en négatif), tarifs (très)abordables pour les clients (prix de revient réel et non trafiqué), proximité avec les intérimaires (ouverture permanente), rémunération évolutive et stimulante (mon patron me reverse l'intégralité des frais de dossiers libres que je peux facturer), etc…
    Donc la motivation est au maximum !
    Quand je repense aux "Conférences Lemoine" (les plus anciens se souviendront)où ECCO puis Adecco se faisait le chantre du "Management Motivationnel" ; mais tout cela c'était le siècle dernier.

  2. L'entreprise compte sur ses valeurs.
    Si tout le monde les mettait de côté ne serait ce qu'une journée … La direction pourrait pleurer.

    Aujourd'hui personne n'ose bloquer quoi que ce soit à cause des clients, des TT et tire des heures à gogo …

    Mettez vous à la place du patron, à 1500 permanents le travail est aussi bien fait qu'à 3000 … Et ou cher(e)s collègue(s) nous nous tirons une balle dans le pied tous les jours !

  3. C'est vrai que les petites ETT s'éclatent pendant que le leader dégringole dans les parts de marché. Il y en a qui ont du yaourt à la place de la cervelle.

  4. A propos de valeurs vous devriez vous intéresser à certaines méthodes de management en région Centre. C'est pas parce qu'on est ex Adia qu'on a tous les droits

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