Par ces temps de grogne sociale, le constat surprend : les Français sont satisfaits de leur travail. C’est ce qu’affirme un nouvel indicateur au nom évocateur de « BEST », pour « bien-être et satisfaction au travail », élaboré par BVA et dont les résultats seront dévoilés jeudi. Utilisant la force de frappe de l’institut de sondage, BEST a croisé les interviews de 2.200 salariés, passant à la loupe le contenu de leur tâche, les relations entre collègues, leur perception du management, la pression ressentie et le lien à l’employeur.
Bilan : l’indice de satisfaction au travail dans l’Hexagone atteint 64 sur une échelle de 1 à 100 : « D’un point de vue macroéconomique, l e moral des gens est en berne. Et l e contraste avec leurs perceptions au niveau microéconomique est saisissant, même si la satisfaction se dégrade depuis 2008 », commente Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion.
« Un rapport passionnel »
Malgré l’avènement des risques psychosociaux, ce sentiment de satisfaction au pays de Voltaire peut s’expliquer. Car si le rapport au travail des Français n’a rien de commun avec l’attachement viscéral des cadres japonais pour leur entreprise, les salariés, en France, ont coutume de s’impliquer pleinement dans leur tâche professionnelle, en y mêlant leur affect. « Les Français ont un rapport passionnel à leur travail, renchérit Laurent Lepez, associé chez Managing Worldwide, spécialiste du management interculturel. La relation des Américains vis-à-vis de leur emploi, par exemple, est beaucoup plus contractuelle. »
Mais s’ils s’impliquent dans leur métier, le lien des Français à leur entreprise semble s’effriter : dans ce domaine, le score de 53 calculé par BEST est l’un des plus faibles de l’indice. « La course à la performance a repris, légitimée par la crise. Et la tempête a été d’une telle violence que les salariés prennent leurs distances vis-à-vis de leur entreprise », commente Bénédicte Haubold, fondatrice d’Artélie Conseil.
Dans le détail, c’est le secteur du BTP, pourtant réputé dur, où la satisfaction semble la plus élevée (72). Le phénomène n’étonne pas Eric Albert, président de l’Institut français d’action sur le stress (Ifas) et chroniqueur aux « Echos ». « Sur les chantiers, il y existe une proximité avec le management et le sentiment d’appartenance à une équipe est fort, quelles que soient les conditions de travail, observe-t-il. S’y ajoutent la réalisation du travail accompli, la fierté de bâtir quelque chose et donc, l’impression d’avancer. »
A l’opposé, dans les services, où la contribution de chacun est moins tangible, la satisfaction est moindre (57). En outre, « les salariés du secteur s’estiment traités de manière inéquitable », ajoute Céline Bracq.
Toutefois ces conclusions restent relatives : « En Suède ou aux Pays-Bas, où l’honnêteté est une des valeurs fondamentales au travail, les salariés énoncent leur malaise, bien davantage qu’au Japon, par exemple, où la valeur qui prime est l’harmonie, souligne Laurent Lepez. La France évolue, et va vers une communication de plus en plus explicite. Mais les pays où on s’exprime le plus sur le mal-être au travail ne sont pas forcément ceux où il est le plus virulent. »