Éditorial de Bernard Van Craenest pour La Lettre confédérale :
Je ne voudrais pas vous effrayer, mais enfin il faut bien dire la réalité dans laquelle sont immergés nos adhérents et militants dans l’entreprise : notre économie détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée et les statisticiens parlent froidement d’une «hémorragie» de 322 000 emplois salariés en 2009.
Et que dire des salaires ! La masse salariale, selon les sources, a baissé de -1,3 % à -2,3 % en 2009 : du jamais vu depuis… 1949. Ce qui ne nous rassure pas sur la capacité de notre pays à financer notre protection sociale.
Il n’est pas besoin de réfléchir bien longtemps pour emmener le malade aux urgences ! Notre économie a besoin d’un traitement de choc. Des stimulants pour sa croissance pour relancer une dynamique de production. Une politique industrielle digne de ce nom pour éviter le coma dans lequel nous ferait sombrer un chômage excessif : attention, la barre des 10 % de la population active vient d’être atteinte !
Les symptômes sont d’autant plus graves qu’ils révèlent une déficience majeure qu’on ne peut pas laisser sans soins : la part de l’industrie dans le PIB français est passée de 40 % dans les années 70 à moins de 20 % aujourd’hui. Sa part dans la population active est passée de 16 % en 2000 à 13 % en 2008… Des pertes qui ne peuvent être compensées par l’activité de service, elle-même liée à l’industrie. Vers quel paysage économique nous dirigeons-nous ? L’image d’un pays sans usines, qui nous avait tant choqués par le passé, serait-elle en passe de se concrétiser ?
La réponse qui nous est généralement lancée pour couper court à toute idée de relance artificielle c’est : «la croissance ne se décrète pas» dans un contexte de compétition mondialisée qui nous laisserait peu de chance, parce que nos salaires sont trop élevés, parce que nous ne travaillons pas assez, etc. Vous comprenez, mon bon Monsieur, le combat est perdu d’avance !
«Quand on veut on peut» disaient nos pères. Et il n’est pas si loin le temps où le fait de décider de grands travaux, de grands programmes industriels, de lancer des projets innovants avait relevé une France moribonde après la guerre. Aujourd’hui, nous parlons de «volonté politique». Je la cherche cette volonté ! Un concurrent nous interdit l’entrée sur son territoire de nos avions plus compétitifs ? Nous baissons les bras. Le manque de pétrole réveille les pleureuses sur notre secteur automobile ? Nous rechignons aux solutions électriques alternatives…
Mais cette volonté, que nous appelons de nos vœux, sera inefficace si elle n’est accompagnée de la compétence des salariés qui auront à conduire la relance. En Chine ou en Inde – nos vrais concurrents – on forme 250 000 ingénieurs par an. Je n’ose pas vous dire le nombre comparativement ridicule que nous atteignons péniblement en France… Notre pays ne se redressera que grâce à son encadrement, que par le lancement d’un vaste programme de formation de ses élites en matière de recherche, d’innovation et de création.
Seule une nouvelle génération de salariés hautement compétents, nombreux et motivés par des conditions salariales et de qualité de vie au travail tirera la France de l’ornière économique.
Bernard Van Craeynest
La lettre confédérale n°1239 du 12 mars 2010
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