La direction d’Adecco vient de contester devant le tribunal de Nantes l’expertise, votée à l’unanimité par les élus du Comité social et économique (CSE) Ouest et destinée à identifier et évaluer les risques, notamment psychosociaux, qui ont contribué à l’acte désespéré de notre collègue Fabrice, le 18 décembre dernier. La démarche est cependant, comme le rappelle le quotidien Ouest-France dans son édition d’hier, tout à fait logique et adaptée à une situation de danger grave ou en tout cas ressentie comme telle. Le jour même, sans nous douter un instant du drame en cours, nous publiions sur ce blog l’article “Notre activité BTP : les raisons d’un naufrage“, illustré d’une agence à la vitrine taguée “Adecco m’a tuer”. Terrible coïncidence et détestable hasard de calendrier mais qui en dit long sur le climat actuel dans lequel se multiplient les départs, arrêts de travail et toutes situations d’évitement possibles.

 

Le mot d’ordre implicite de la direction ressemble donc à un simple “circulez, il n’y a rien à voir”. Le refus porté en justice de cette expertise destinée à mesurer la gravité de la situation s’avère particulièrement choquant et ne témoigne pas vraiment d’une grande sérénité, c’est le moins qu’on puisse dire. Que ne veut-on pas voir ou trouver ?

On connait l’empressement des entreprises à nier ou minimiser autant que possible le lien entre le suicide et la situation vécue au travail. Dans certains cas, il est vrai que peuvent se cumuler problèmes familiaux, professionnels et état de santé. Dans celui de notre collègue, les nombreux indices et témoignages recueillis plaident très clairement pour un état patent de souffrance au travail. Une impression de ne jamais pouvoir tout à fait y arriver, de n’être pas ou plus au niveau des attentes, un sentiment diffus d’impuissance devant les enjeux et les objectifs. Le tout sans doute aggravé par la situation anxiogène que nous impose la crise sanitaire et son traitement erratique.

Et pourtant on ne pourra jamais prétendre qu’ont manqué les témoins et signaux d’alerte annonciateurs de ce drame . Notre collègue cadre avait en effet prévenu à plusieurs reprises sa hiérarchie des difficultés devenues insurmontables qu’il rencontrait quotidiennement dans l’exercice de sa fonction. Son entourage et son équipe connaissaient sa détresse jusqu’à cet inquiétant malaise en agence, quelques jours avant le geste fatal.

D’ailleurs, ironie du calendrier et de façon plus générale, quoiqu’en dise la direction, la restitution d’une enquête menée par le cabinet d’expertise Secafi avait, moins de deux mois avant, le 5 novembre précisément, alerté sur le sérieux de la situation et notamment sur un stress affectant 62% des salariés dont 50% de façon avérée et 12% sévère. Ce document de 47 pages regorge d’observations, d’indications précises et propose même en guise de conclusion, 14 préconisations à mettre en œuvre dans les meilleurs délais.

Pour la mémoire de Fabrice et ne plus jamais avoir à revivre cela, les élus ne lâchent rien et iront au bout d’une démarche engagée à l’exclusif service de la vérité. Que cela plaise ou non.

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