Bon, arrêtons le délire, d’autant que le sujet n’a rien de réjouissant et que les conséquences sur les salariés et leur famille risquent de s’avérer lourdes de conséquences. La direction prétend, pour 2021, retrouver les performances de 2019 qui, pour avoir subi un léger tassement en regard de l’année précédente n’en avait pas moins été une année exceptionnelle. Qui pourrait bien croire une seconde que l’intérim, le recrutement et les prestations associées retrouveront cette année la santé éclatante d’avant cette crise sanitaire à la gestion désastreuse ?
A moins d’avoir pris un pylône, quel chef d’entreprise, sévissant sur un marché hyper-mature et ultra-concurrentiel, oserait fixer des objectifs, en chiffre d’affaires ou en résultats, supérieurs de 10, 20 et même parfois 30% à ceux de l’année précédente ? Dans un pays dont le PIB affichera à fin d’année, après arrêté des comptes, une baisse historique de -10%… Ces niveaux de croissance, réservés aujourd’hui aux marchés émergents ou conjoncturels, à de jeunes start-up ou à de récentes PME, ne peuvent être qu’éphémères. Imagine-t-on des croissances durables – de plus, en période de crise – à des niveaux de plus 20 ou 30% ? Non, évidemment.
D’ailleurs, nous nous sommes amusé à une petite projection arithmétique démontrant en quelques minutes l’absurdité d’un tel système. Soit une agence ayant réalisé une contribution nette de 100 000 euros en 2020 – prenons un nombre rond. Si l’on venait à lui imposer un accroissement de se résultats de +25% chaque année, de façon linéaire à partir de 2021, nous en arriverions très vite à des données aberrantes. A 5 ans, l’agence devrait déjà tripler son résultat (305 K€). Mais à 10 ans, c’est 931 K€ qu’elle devrait sortir, soit neuf fois plus. On continue ? A 15 ans, l’équipe agence devrait assurer un résultat 28 fois supérieur au résultat initial de 2020 (2 842 K€). Pour finir en beauté, à 20 ans l’agence serait sommée d’obtenir 8 673 K€ de bénéfices, soit 86 plus qu’en 2020.
Ce petit exercice en forme de clin d’œil pour prouver l’absurdité d’un système totalement déconnecté du réel. Il n’existe pas de croissance forte durable, un point c’est tout. L’arithmétique et le simple bon sens le démontrent. Concrètement, fixer aujourd’hui des budgets à deux chiffres sur un marché mature voire saturé, c’est avant tout brider la masse salariale en supprimant l’essentiel de sa partie variable. C’est uniquement un calcul financier avec, en prime (si l’on ose dire), la certitude de démotiver les salariés les mieux disposés. Nous reviendrons évidemment sur ce sujet sensible et essentiel.