Méfiez-vous, car ce qui suit n’arrive pas qu’aux autres…

“Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage” affirme un dicton bien connu. Nous vous en proposons un autre beaucoup plus moderne : “Quand on veut dégommer un cadre, on fait dire (et surtout écrire) qu’il a la rage”. 

Explications. Toute vie professionnelle comporte un certain nombre de joies, de réussites, de satisfactions mais aussi, malheureusement, d’échecs, de déceptions et de frustrations. Parfois aussi d’ambitions mal placées… Cette évidence vaut pour les cadres comme pour tous les salariés et le management peut choisir de mettre en exergue les côtés positifs comme ceux qui le sont moins. C’est un choix managérial au service d’une orientation sinon d’une stratégie. 

Imaginons que la direction souhaite se défaire d’un directeur d’agence pour une raison quelconque. Si le cadre en question commet des fautes professionnelles ou n’atteint pas ses objectifs, la chose est relativement aisée et la sanction ressemble souvent à un licenciement pour “cause réelle et sérieuse” voir une faute grave. Même si un licenciement ne fait jamais plaisir, nous devons bien accepter qu’en dessous d’un certain niveau de compétence ou au-delà d’un certain nombre de manquements, la séparation paraît difficilement évitable.

Imaginons maintenant que la direction souhaite se défaire d’un cadre pour des raisons qui n’ont rien de professionnelles, un cadre n’ayant commis aucune faute, plutôt bien vu par ses collègues et dans son environnement et remplissant ses objectifs depuis de nombreuses années. Un cadre délégué syndical, par exemple mais alors vraiment uniquement par exemple. Dur… dur ? Pas tant que ça, nous allons le voir.
Dans ce type de situation, il reste l’arme fatale, celle au moyen de laquelle ont peut éliminer pratiquement tout cadre, à tout niveau et n’importe quand : les problèmes de management. Il va falloir tenter de prouver que le cadre en question était si incompétent managérialement parlant qu’il générait, et depuis fort longtemps, une indicible souffrance qu’enduraient en silence ses collaborateurs. Souvent une personne est identifiée comme relai efficace d’une cabale à mener et va progressivement entrainer les autres dans sa vindicte. L’instrumentalisation des salariés commence alors en échange de promesses réelles ou supposées, d’une progression professionnelle espérée ou d’un avantage quelconque pour l’instigateur. Ce peut-être un poste, un forfait véhicule (si, si, ça existe…) ou que sais-je encore. Souvent cela reste la trahison à petit prix, la forfaiture discount. Les salariés sont ainsi manipulés à des fins qu’eux-mêmes ignorent et pour servir des buts qu’ils ne soupçonnent même pas.

Mais, direz-vous, jeune innocent que vous êtes, “il faut bien qu’il y ait un début de réalité tangible et une souffrance concrète à mettre en avant,  les collaborateurs avaient bien dû à un moment ou un autre se plaindre, sinon au bourreau présumé, ce qui est  évidemment délicat, tout au moins à des collègues d’autres agences, à un chargé de mission, un hiérarchique, un proche hors de l’entreprise, un stagiaire, la femme de ménage bref il devait bien y avoir eu une fuite dans ou hors de l’entreprise qui aurait fini par remonter tôt ou tard – nous connaissons tous la vie de l’entreprise et ce qu’il en est de la confidentialité si souvent évoquée mais quasiment jamais respectée.”


“Non, vous répond-on, vous n’y songez pas malheureux, les personnes étaient terrorisées et n’avaient jamais, même à leur ombre ou à leur miroir de salle de bains, osé se confier. La terreur était absolue, sans faille. La bête est si malicieuse, si perverse, si machiavélique qu’il fallait la jouer fine.”

“Oui, mais, insistez-vous, ils pouvaient fuir cette atroce souffrance et s’en aller travailler ailleurs sous sous des cieux plus sereins ? Comment rester tant d’années dans un pareil contexte, en arrivant chaque matin “la peur au ventre” et “une boule dans la gorge ou au ventre (au choix)” ? ” On vous répondra à peu près la même chose que ci-dessus : la souffrance était si forte et la peur si viscérale que la paralysie empêchait les salariés de s’évader. Il fallait, jour après jour, donner le change, afficher “plus belle la vie”, et dissimuler à n’importe quel prix l’enfer qu’imposait l’Alien.

“Oui, mais, vous obstinerez-vous, décidément très cartésiens, il y à quand même forcément des preuves, les entretiens individuels, le turn-over éventuel dans l’agence, les résultats de l’agence, les arrêts maladie,  des courriels fâcheux, des courriers, etc… Le hiérarchique N+2 a forcément senti un malaise – toute personne extérieure à l’agence qui  se pose cinq minutes en agence sent intuitivement le climat qu’il y règne : confiance, défiance, solidarité, crainte, camaraderie…, on le sait -, il aurait pu et surtout dû creuser et Dieu sait que ce n’est pas trop difficile.” “Non, vous répondra-t-on encore, péremptoirement, vous n’y connaissez rien, la paralysie était totale et c’était une question de survie. Pas question d’éveiller l’attention en ayant  ne serait-ce que l’air triste ou inquiet, encore moins en se mettant en arrêt, en fuyant dans un CIF, des maternités à répétition ou en quittant l’entreprise, il fallait à tout prix donner le change. N’avez-vous donc jamais lu le “1984” de George Orwell pour ignorer ce qu’est le totalitarisme le plus abject ?” Quant à partir, fuir devrait-on dire, ce serait immanquablement éveiller la suspicion, même se mettre en maladie pour état dépressif risquerait d’éveiller un doute fatal.

Inutile de continuer indéfiniment ce dialogue virtuel mais si proche de la réalité… Tout cela sera développé par ailleurs et en temps voulu dans le courant de l’année 2011.

Après avoir soufflé sur les braises de ressentis, de petits faits réels et des inévitables frustrations de la vie professionnelle des collaborateurs, la phase suivante consiste à faire écrire les salariés au Directeur des ressources humaines que bien souvent ils ne connaissent même pas mais auquel ils brûlent soudain (et tous ensemble) d’exposer un certain nombre de faits, dires et souvenirs dont certains remontent à plusieurs années. Petites phrases sorties du contexte, anecdotes de second ordre et autres fonds de poubelles se trouvent condensés dans une série de courriers étrangement concordants dans la forme et dans le fond. Je me souviens d’une affaire, il y à un peu plus d’un an dans laquelle chaque courrier reprenait un ou deux termes dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas d’un usage courant et appartiennent plutôt au langage soutenu.
Sans parler de salariés ayant quitté l’entreprise depuis plusieurs mois ou années et qui brusquement de souviennent fort opportunément d’un mal-être au travail qu’ils n’avaient jamais pensé à évoquer auparavant. On dit souvent qu’en Corse même les morts votent mais on pourrait ajouter que dans certaines entreprises  même les disparus écrivent.

S’ensuit un entretien préalable (en vue d’un éventuel licenciement) assez surréaliste où l’on reproche au cadre diabolisé tout et rien. Ressentis et faits secondaires s’enchevêtrent dans un dialogue par moments fantasmagorique. D’avoir dit un jour qu’il n’aimait pas ceci ou ferait cela, qu’il s’était trompé sur ci ou sur ça, qu’il avait une attitude qui… ou une habitude de… etc. Rien de concret, rien de précis et surtout rien de bien sérieux. Cet entretien qui représente pourtant une étape cruciale dans la démarche de licenciement s’apparente parfois même à des chamailleries type Café du Commerce où ne manque, pour l’instant, que le crêpage de chignons.
Ajoutons en passant, mais vraiment en passant, que la méthode a souvent une fâcheuse tendance à s’appliquer à des représentants du personnel (mais pas uniquement). Dans ce type d’affaire, il faut malheureusement signaler, là aussi en passant, que l’entreprise trouve toujours à s’appuyer sur un syndicat, toujours le même et par conséquent inutile de préciser.

Encore une fois cette problématique ne sera pas développée sur ce blog, ce n’est pas forcément l’objet d‘un blog, mais le sera dans le courant de l’année 2011 par d’autres canaux. Seront notamment évoqués un cas avéré et durable de harcèlement moral d’un représentant du personnel dans le Nord, puis une demande de licenciement que nous estimons totalement abusif à l’encontre d’un élu du personnel, engagée très précisément selon la méthodologie que nous venons de survoler et qui fait d’ailleurs l’objet d’une procédure judiciaire en cours dont le dénouement nous a été signalé hier soir  : la salariée cadre vient d’être totalement blanchie et l’Inspection du travail signifie clairement, à l’issue d’une enquête serrée, son refus du licenciement.

Le droit, l’équité et la justice l’emportent donc sur les méthodes voyouteuses et c’est une très bonne et encourageante nouvelle.

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