Il est important que les entreprises soient vigilantes quant aux risques psychosociaux qui pourraient surgir ou s’accentuer dans ce contexte.
Au regard des changements organisationnels et relationnels profonds engendrés par la crise sanitaire, l’évaluation de l’exposition des salariés aux principaux facteurs de risques psychosociaux doit être actualisée afin de déterminer les mesures organisationnelles et managériales à mettre en place, à faire évoluer ou à conserver. La prévention des risques psychosociaux en période exceptionnelle sera facilitée si elle était déjà pratiquée auparavant.
Évaluer la charge de travail
La situation sanitaire se prolongeant, l’activité des entreprises est durablement impactée. Certaines entreprises peuvent vouloir rattraper le retard pris sur les projets, regagner des parts de marché, compenser des pertes financières. Attention cependant à ne pas trop surcharger les salariés. D’autres, au contraire, voient leur carnet de commandes peu rempli, engendrant de la sous-charge de travail pour les salariés, et donc possiblement de l’insécurité et un sentiment d’inutilité.
Il est essentiel d’estimer au plus juste ces situations de surcharge ou de sous-charge, et de trouver des solutions avec les salariés collectivement ou individuellement (nouvelle répartition des tâches pour alléger certains salariés et permettre aux autres de leur venir en aide ; priorisation des activités…).
Réguler les tensions possibles entre salariés
L’employeur et les encadrants doivent être attentifs au risque de conflits ou d’oppositions multiples, de stigmatisation de certains. Ils doivent les identifier et les réguler au plus vite en faisant preuve d’équité et de discernement. Les encadrants de proximité doivent à cet égard être pleinement soutenus et accompagnés par leur propre hiérarchie, la direction et le service des ressources humaines.
Voici quelques exemples de tensions possibles :
- Les salariés qui ne peuvent pas (ou très difficilement) télétravailler ont repris leur activité sur site (sous réserve de leur état de santé). Au possible sentiment d’abandon, d‘exclusion de l’entreprise ou d’inutilité ressenti pendant la période de confinement strict, peut s’ajouter un sentiment d’iniquité et de mise en danger : obligation d’utiliser les transports en commun, crainte d’une certaine promiscuité synonyme de risque de contagion sur le lieu de travail…
- Les salariés qui ne peuvent pas reprendre leur activité sur site, notamment pour raison de santé, sont susceptibles d’être stigmatisés et peuvent se sentir abandonnés.
- Les salariés qui conservent, par le travail, des contacts sociaux peuvent être enviés par ceux qui restent isolés à domicile, sans possibilité de travail.
- Les salariés en contact direct avec le public peuvent se sentir surexposés par rapport à ceux qui continuent à bénéficier du télétravail, ou ceux qui restent à la maison, faute de pouvoir travailler.
Parmi les pistes possibles pour réguler ces tensions, il convient de rappeler et de verbaliser quelques points fondamentaux :
- la crise sanitaire n’a été choisie par personne mais est subie par tous ;
- un grand nombre de décisions ont été imposées et s’imposent encore aux entreprises (le confinement, l’interdiction de certaines activités,…) ;
- les entreprises doivent adapter leur fonctionnement pour maintenir opérationnelle une partie de leur activité, en fonction des mesures sanitaires gouvernementales, ce qui peut impacter l’organisation et les conditions de travail ;
- aucune situation n’est à valoriser par rapport à une autre : travail sur site, télétravail, absence à domicile rémunérée ou chômage partiel, arrêt maladie,… Toutes ces dispositions sont prises pour surmonter collectivement une crise et non pour procurer un avantage ou une reconnaissance particulière aux uns ou aux autres…
Il est important également de garder à l’esprit que les tensions interpersonnelles au travail cachent souvent des problèmes de travail antérieurs non identifiés et non traités.
Animer autrement le collectif de travail
La crise sanitaire se prolongeant, les entreprises doivent assez souvent composer avec des équipes de travail au statut hybride (mêlant travail sur site et à domicile) et parfois au format fluctuant (compte tenu des mesures sanitaires). Ce type de configuration peut mettre à l’épreuve les liens sociaux, de coopération, de coordination, d’entraide et de convivialité.
L’employeur ou les encadrants de proximité ont donc tout intérêt à trouver des modalités d’animation des équipes de travail qui s’adaptent au contexte actuel : s’approprier au mieux des outils de communication à distance, mettre en place des modalités d’interaction à distance à géométrie variable selon les sujets à traiter ou les configurations de travail, opérer des régulations à distance…
Cette crise sanitaire peut constituer une opportunité, pour l’encadrement de proximité, de développer de façon plus importante des pratiques de management à partir de l’activité réelle des salariés, de ses conditions d’exercice concrètes…
En première ligne dans ce travail d’animation à distance ou au format hybride, les encadrants de proximité doivent être accompagnés dans cette tâche, notamment par le biais du soutien de leur hiérarchie, par des échanges de pratiques entre pairs ou par des modules de formation spécifiques.
Voir page « Du télétravail imposé en situation exceptionnelle à un télétravail qui se prolonge »
Identifier et intégrer de nouveaux modes d’organisation efficaces
Pendant la crise sanitaire, dans beaucoup d’entreprises, de nouvelles pratiques, de nouvelles modalités d’organisation se mettent en place, par la force des choses.
Il est important d’en tenir compte, de valoriser et conserver ce qui est vertueux et de réguler les difficultés éprouvées par les salariés.
Si ce bilan n’a pas encore été fait, il est toujours temps de le réaliser. Il est à opérer aux différents niveaux de l’entreprise, de manière collective et participative, avec les salariés et leur encadrement, le service des ressources humaines, avec les représentants du personnel et le service de santé au travail de l’entreprise. L’impulsion sera donnée par la direction de l’entreprise.
Ce bilan est l’occasion de :
- reconnaître les efforts déployés, valoriser le développement des compétences qui s’opère, l’autonomie, la polyvalence, l’inventivité, l’engagement dont font preuve les salariés dans cette période particulière ;
- examiner, au sein des équipes, de façon participative, la possibilité de formaliser, d’instituer les nouvelles façons de faire, les nouveaux liens fonctionnels qui se sont mis en place pendant la crise et qui s’avèrent efficaces et sûrs. De nouvelles modalités d’échange, basées sur la confiance mutuelle, se pratiquent et sont à pérenniser ;
- conserver et peut-être développer les nouvelles formes d’organisation du travail qui se révèlent plus fluides, plus souples… ;
Éviter l’isolement, la perte de sens, la démotivation
Si les risques d’isolement, de perte de sens du travail, de démotivation existent de tout temps, ils peuvent être exacerbés du fait de la persistance du travail à distance, du report de certains projets, d’un travail accompli en mode dégradé (moindre qualité ou contraintes plus importantes pour aboutir au résultat attendu).
Il faut également tenir compte de la fatigue et de la tension accumulées, pour faire face aux nombreux changements vécus pendant cette période.
L’encadrement doit être attentif à ces points et engager des échanges bilatéraux ou en équipe pour replacer l’activité de chacun ou du collectif dans le contexte du moment, tout en ouvrant des perspectives sur le plus long terme.
Communiquer pour rassurer
La crise sanitaire peut être source d’inquiétude voire d’anxiété, du fait de son caractère inédit, imprévisible, parce qu’elle est jalonnée d’incertitudes, de mauvaises nouvelles, d’espoirs, de retours en arrière…
Afin de rassurer les salariés inquiets au regard du risque de contamination, il est important que l’entreprise communique sur les moyens qu’elle met en œuvre pour limiter ces risques sur les lieux de travail.
Au-delà de ces aspects sanitaires, les questions des salariés peuvent être nombreuses sur le devenir, voire la pérennité de l’entreprise et de leur emploi. Il est donc utile d’informer régulièrement les salariés, en leur fournissant des éléments factuels sur la marche de l’entreprise, ses perspectives économiques et sociales, les évolutions d’organisation et de procédures, les mobilités internes… Cela permettra d’atténuer le sentiment d’insécurité. Même lorsque la visibilité est très réduite pour l’employeur, il est préférable de le dire, pour éviter toute interprétation, rumeur ou crainte. Il faut accepter de dire que l’on ne sait pas tout.
L’encadrement, et en particulier l’encadrement de proximité, ainsi que les représentants du personnel, ont un rôle déterminant dans la transmission des informations fournies par l’entreprise, dans la remontée d’informations provenant des salariés, et dans l’identification de situations de fragilisation. Même si cela est plus complexe dans cette période, il est important de pouvoir repérer les salariés susceptibles d’avoir besoin d’un accompagnement plus personnalisé, par le service de santé au travail, le service des ressources humaines, l’assistance sociale de l’entreprise…
Prévenir les risques d’agression et de violence envers les salariés
De manière générale, travailler en contact avec le public expose les salariés à des risques d’incivilités, d’agressions, de violences. Les entreprises, n’étant souvent pas revenues à un fonctionnement normal, les salariés peuvent encore avoir des difficultés à rendre le service attendu par les clients, les usagers, les patients.
Les actions de prévention à mettre en œuvre reposent sur deux axes principaux : la prévention des causes de violence et celle des risques de passage à l’acte violent. Si ces mesures sont classiques en temps normal, elles sont d’autant plus importantes à mettre en œuvre dans ce contexte critique où les sources de tensions sont exacerbées.