La louable démarche QVT se donne pour noble ambition de concilier l’inconciliable en apparence, à savoir un certain bien-être, une certaine qualité des conditions de travail et les exigences et performances de l’entreprise. Pour le dire autrement, comment rendre à peu près supportable une situation de travail rendue invivable par la financiarisation de l’économie, la folle concurrence libre-échangiste et des contraintes technocratiques, informatiques et administratives indéfiniment croissantes.

A voir les communications sur la qualité de vie au travail, on dit QVT si on veut paraître branchouille, on se dit que finalement le boulot ça n’en est pas et qu’on est juste une bande de jeunes qui s’éclatent. On aurait presque mauvaise conscience à attendre un salaire chaque fin de mois pour tant de félicité. Sourires étincelants glissant vers les fous rires, bonds aériens à faire pâlir les acrobates du cirque Arlette Grüss, relaxation, coaching, bougies parfumées et musique new-age… presque du “peace and love” soixante-huitard relooké vingt-et-unième siècle, du positif partout et des problèmes nulle part. Sous les pavés la plage. On se demande d’ailleurs comment on n’y avait pas pensé avant à tout ça quand on pense aux générations passées, éreintées par le labeur, les corps et les esprits moulus par l’effort d’une vie au travail. Il suffisait de mettre du Q dans la VT ! Étaient-ils distraits !

Promis, le cadre ne sera désormais plus qu’un importateur de stress mais exportateur en gros et au détail d’énergie, d’envie et de positivisme. Fini le Père fouettard ou la Fée Carabosse, on est tous une bande de potes. Pour un peu il troquerait ses galons pour la panoplie bermuda-t-shirt-tongs du gentil organisateur (GO). Le Club Med n’a qu’à bien se tenir face à pareille concurrence ! Son job maintenant c’est l’organisation d’after-work, de déjeuners,de ballades et autres occasions de renforcer la cohésion dans la joie et la bonne humeur. Bon, on y causera un peu taf quand même mais le but suprême c’est l’éclate. Adieu la charge de travail irréaliste, le stress, les budgets inatteignables, le sous-effectif et les saturation des reports de données en tous genres. Hélas, même les plus belles histoires connaissent une chute et, une fois savourés ces précieux instants hors-sol, la réalité reparaît au galop dans toute sa crudité, avec son cortège de contraintes bien tangibles…

Pléthore de cabinets se précipitent pour vous vendre ce bonheur de carte postale et sans doute certains d’entre eux possèdent-ils un savoir-faire éprouvé et une véritable expertise dans l’art d’adoucir un quotidien devenu trop pénible mais notre direction pourrait déjà commencer par écouter les plus engagés de ses représentants du personnel (suivez mon regard) qui proposent sans relâche quelques moyens bien concrets et souvent peu coûteux qui pourraient contribuer à redonner un peu de bien-être et de sens au travail.

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