(Illustration indépendante de l’article)

Comment repérer, signaler, traiter les pathologies cachées des salariés : un colloque de l’Union régionale Ile-de-France (URIF) CFE-CGC apporte des réponses concrètes aux managers et aux élus du personnel.

Si le cadre d’expression était sobre – un colloque le 28 septembre à la Maison de la CFE-CGC -, ses développements auront été nombreux et profondément humains. Rare, en effet, d’assister à un colloque durant lequel la salle s’implique à ce point. Dès le début, le déroulé s’est trouvé bousculé par les questions de l’assistance. Elles émanaient pour la plupart d’élus CFE-CGC confrontés aux pathologies cachées dans leur vécu syndical. Et s’avouant démunis sur la manière de « gérer » ces affections psychiques invisibles en général, intermittentes, imprévisibles, inquiétantes, perturbatrices du travail d’équipe quand elles se révèlent.

DES MANAGERS PEU SENSIBILISÉS ET FORMÉS POUR RECONNAÎTRE LES SIGNES AVANT-COUREURS

« La crise a fait ressortir les anxieux, les dépressifs », a simplifié le Dr Anne-Michèle Chartier, médecin du travail, déléguée nationale Santé au travail et présidente du syndicat Santé au travail CFE-CGC. Avec les conséquences qui s’ensuivent pour le manager : « Il doit tout faire : composer avec l’apparition de troubles chez telle ou tel, ne pas surprotéger cette personne pour respecter l’équité dans son équipe, prévenir un burn-out voire d’éventuelles pulsions suicidaires, répondre aux objectifs de productivité de sa hiérarchie… » Un manager ou un syndicaliste qui voit poindre chez ses collègues des symptômes de cyclothymie, de bipolarité, de phobie, de paranoïa, de schizophrénie, n’est formé ni à les identifier ni à les traiter. Quand c’est un cadre important, souvent, par construction, par isolement, il n’ose pas demander de l’aide.

« Le manager est sacrément seul quand on y réfléchit… », acte le Dr Marie-Victoire Chopin, coordinatrice à la Fédération des Collèges de psychologues de l’AP-HP, consultante en santé au travail. « Il se pose toute une série de questions : est-ce ma faute si la personne de mon équipe en est là ? Est-ce que je me mêle de sa vie privée en intervenant ? Est-ce mon rôle de le faire ? ». Il peut donc y avoir un retard à l’allumage dans la prise en compte d’une pathologie cachée. Notamment du fait d’un manque de sensibilisation des managers à ce type de problème, de formation pour reconnaître les signes avant-coureurs de difficultés qui nécessitent une discussion.

Une première solution a été actée : signaler le trouble. « Dire à son supérieur hiérarchique : j’ai quelqu’un dans mon équipe qui ne va pas bien, avise Bernard Salengro, président de l’INRS. On essaye d’aménager le poste ou la fonction. Mais si la pathologie cachée se fait jour en réaction à un management toxique, à ce moment-là, il faut faire un travail syndical pour défendre la ou les personnes concernées. »

SANTÉ AU TRAVAIL, QVT : FORMALISER DES ACCORDS EN ENTREPRISE

Dès lors, une difficulté se présente : comment faire en sorte que la personne se confie et admette qu’elle a besoin d’aide ? « Ne faut-il pas son accord pour signaler son cas à une direction ou à un médecin du travail ? », a demandé une personne dans la salle. D’autant qu’il y a « toute une palette de réactions entre qui dit avoir conscience de son état et qui le nie en affirmant que tout va bien », observe Anne-Michèle Chartier. « Et que la difficulté avec les psychoses est que les personnes n’ont pas toujours conscience qu’elles vont mal », ajoute Bernard Salengro.

D’où un deuxième précepte avancé durant ce colloque : penser les solutions de façon systémique. « Il faut prendre le problème au niveau central, au sein des organisations : signer des accords d’entreprise, formaliser la qualité de vie au travail. Et pas seulement inscrire qu’il est interdit d’envoyer des courriels professionnels le soir ou le week-end : mettre dans les textes le moyen de le surveiller, faire respecter la règle qui dit qu’un cadre au forfait-jours doit avoir un entretien annuel sur sa charge de travail », énumère concrètement Anne-Michèle Chartier.

LA CFE-CGC MILITE POUR INSCRIRE LES PATHOLOGIES PSYCHIQUES AU TABLEAU DES MALADIES PROFESSIONNELLES

La déléguée nationale a rappelé que la CFE-CGC milite fermement pour la constitution d’un tableau des maladies professionnelles d’ordre psychologique et pour une réduction de 20 % à 10 % d’IPP (incapacité permanente partielle) pour qu’un burn-out soit reconnu comme accident du travail. Elle a redit toute l’importance de la concertation en cours sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ATMP).

« Il faut compter en moyenne neuf mois d’arrêt maladie pour un burn-out, a cadré Jean-Claude Delgènes, président du cabinet Technologia, partenaire du colloque de l’URIF. Seuls 800 ont été reconnus comme maladie professionnelle en 2021. Si l’on abaisse le taux d’IPP à 10 %, ce chiffre serait de 40 000 par an. Cela frapperait les entreprises au portefeuille et les conduirait à modifier leur management et leur organisation, à sortir de leur logique de profit purement financière, avec la pression mise à chaque salarié. »

3 Commentaires

  1. En même temps, quand on remonte des difficultés auprès de nos managers, cela sert ensuite d’excuse pour être maltraités, voire se faire dégager comme des moins que rien.

    Et le pire c’est si on remonte une situation d’harcèlement de la part de notre manager qui aboutit à une pathologie, on cache, on nous fait croire que c’est nous le problème.
    Tiens, voilà les coordonnées de la cellule Angel et débrouilles toi.

    Le traitement des risques psycho sociaux est une blague chez Adecco. Mais on ne peut pas s’attendre à grand chose avec une direction pathétique, des managers recrutés pour faire le ménage, et une violence et une inhumanité présentes dans toutes les sphères de l’entreprise.

    Gros travail de fond et certainement des personnes toxiques à faire partir avant de réfléchir à un début de qualité de vie au travail.

  2. Je partage parfaitement le commentaire de Snowball.
    Dés que l’on présente des faiblesses, le N+1 s’y engouffre pour encore plus nous déstabiliser et mettre la pression.

    Pour la “Liste Noire”, est-ce qu’on pourrait nous dire ce qu’il en est ?
    Un bel exemple de “ménage organisé” et qui dans la boucle ? A minima DZ et RH … Alors au final pas grand monde vers qui se tourner … Les syndicats vous êtes là et vous faites de votre mieux.

    Si les permanents pouvaient “balancer” leur manager toxique dans un dispositif garantissant une vraie confidentialité et protection, il y aurait des surprises ! et des personnes qui en trembleraient !!
    Mais que dis-je ! Les syndicats avec les remontées terrain, ces personnes vous les avez déjà identifiées ?
    Comme on dit “Qui creuse un trou pour quelqu’un risque fort d’y tomber lui-même.”

    Il y a des burn-out qui ont été reconnus en maladie professionnelle chez Adecco.
    J’ai fait mon curieux et je me suis renseigné sur ce sujet , voici comment ça se passe :
    Après dépôt de votre demande de Reconnaissance de Maladie Professionnelle (et non accident du travail), l’IPP qui va être évaluée lors d’une convocation par un 1er médecin conseil de la CPAM est de 25 % et non 20 % – Le burn out étant une maladie “Hors tableau”, il faut déjà atteindre ce taux (très très difficile !!)
    Si vous atteignez ce taux, vous présentez un dossier complet et détaillé au CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles) avec des “preuves” – Ce Comité va déterminer si il y a un lien direct et essentiel avec le travail. Ces 2 conditions cumulatives sont nécessaires pour la reconnaissance de la maladie professionnelle. Voilà pourquoi seuls 800 dossiers ont été reconnus en 2021.

    En fonction de votre situation et de vos dernières ressources, il est parfois plus simple de passer par la procédure de l’ “Accident du Travail” mes chers collègues.

  3. En général, quand on se sent mal (et pour moi la situation était devenue intolérable), l’évitement est souvent la fuite par la démission.
    Quand j’ai annoncé mon départ on m’a dit : tu les as laissé gagner, tu aurais du mettre la pression pour une rupture conventionnelle, c’est toi qui a raison…
    mais j’avais besoin de sérénité, de couper cette relation avec Adecco. Je n’avais plus envie de “sauver” mon emploi car je me suis rendue compte que j’étais en décalage total avec une direction et une culture d’entreprise qui cautionne de maltraiter ses salariés.
    Je suis partie “sans rien” mais je pense sincèrement avoir sauvé ma santé mentale
    Rassurez vous, on se retrouvera prochainement devant les tribunaux

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