Il existe sans doute des centaines de phobies, c’est-à-dire de peurs, même si, dans la vie courante, nous n’entendons évoquer que les plus répandues telles que l’agoraphobie, la peur des espaces ouverts ; la glossophobie, la crainte de parler en public ; l’aérophobie, la pétoche de l’avion ; la claustrophobie pour la panique dans les espaces clos ou trop réduits ; l’acrophobie, la hantise de la hauteur ; l’arachnophobie, la répulsion pour les araignées ; l’émophobie, la peur du sang et l’émétophobie, celle de vomir ou d’être à côté de quelqu’un qui vomit. Bref, ceci n’est qu’un modeste échantillon et aucune pénurie n’est à redouter, il existe apparemment des névroses pour tous et chacun.
Pour revenir à notre question initiale, la nomophobie, contraction de l’expression “no mobile phone” est la peur de se retrouver sans son téléphone mobile : elle traduit, de fait, une addiction maladive au portable, un phénomène en pleine expansion, en lien évident avec la généralisation du smartphone, pour le plus grand bonheur de certains psychiatres spécialisés. Il s’agit d’une anxiété démesurée, anormale à la simple idée de se retrouver sans son téléphone portable. Bien que non répertoriée pour l’instant dans le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM-V), cette manifestation anxieuse n’en passionne pas moins le monde de la psychiatrie qui y pressent une maladie engendrée par la communication virtuelle et ses abus.
Certains utilisateurs avouent ne plus pouvoir faire trois pas sans leur tracker, ni supporter de le laisser dans une autre pièce que celle dans laquelle ils se tiennent. Combien ne peuvent même plus aller acheter une baguette de pain à la boulangerie du coin de la rue ou même se rendre aux toilettes sans leur appendice numérique ? Je m’interrogeais sur la stratégie marketing vantant des smartphones étanches mais serait-ce que d’aucuns envisagent même de le prendre sous la douche ? A cette phobie inquiétante s’ajoutent celles de manquer de réseau ou de prises électriques pour le rechargement de leur précieux doudou. Il faut voir pour le croire l’œil hagard du nomophobe, lorsqu’il pénètre en milieu inconnu, son regard circulaire parcourant anxieusement toutes les surfaces dans l’espoir de détecter, le plus souvent en quelques secondes, l’ensemble des prises de courant de l’espace en question.
Comment les personnes souffrant, à divers degrés, de nomophobie ont-elles pu en arriver là ? Il semble que cette névrose affecte plus particulièrement certains types de personnalité que d’autres et, par exemple, les individus au fort besoin de reconnaissance paraissent davantage sujets à cette dépendance. Dans l’expectative permanente de petits stimuli, sonneries, bips, vibrations, notifications, leur boulimie de signes de reconnaissance parait insatiable. Ils semblent ne pas pouvoir exister sans ces impulsions permanentes. Les personnes particulièrement sociables, dotées d’un bon équilibre psychique et d’une bonne estime de soi seraient moins enclines à subir cette addiction.
Les symptômes de la nomophobie
Le nomophobe vérifie de façon compulsive l’arrivée de mails, textos et messages divers, notamment sur les réseaux sociaux. Des études sérieuses ont été menées sur un échantillon significatif d’utilisateurs de smartphone dont certains vérifient l’écran de leur tracker jusqu’à plusieurs centaines de fois par jour. Tic… TOC… tic…TOC… Le nomophobe peine de plus en plus à s’impliquer assidûment dans les tâches quotidiennes, obsédé par la perte de connexion et donc d’accès à l’information. Un portable déchargé ou un oubli du chargeur peut déclencher une crise d’angoisse chez le nomophobe et, à mesure que l’addiction s’aggrave, la souffrance s’installe en même temps qu’une perte de liberté vis-à-vis de son (trop) cher smartphone. A ce niveau, une consultation médicale s’impose et pourquoi ne pas évoquer le problème avec le Médecin du travail à l’occasion d’une visite de suivi ?
Il serait trop long et sans doute fastidieux de passer en revue l’ensemble des symptômes et conséquences de cette phobie particulière mais il semble important de rappeler que la prévention de la nomophobie passe avant tout par l’éducation et la limitation d’accès aux écrans dès le plus jeune âge. Pour ceux que le sujet intéresse, un certain nombre d’articles et d’études permettent d’aller plus loin sur le sujet.
Et l’absurdiephobie, l’aveuglophobie de nos dirigeants on en parle ?