Pause café, pause déjeuner, pause technique… Notre quotidien au bureau est ponctué de ces occasions de « couper » le travail et de nouer des liens avec nos collègues. Elles sont autant de manières de nous lever de nos sièges et de reposer notre cerveau et participent, sans en avoir l’air, à notre performance intellectuelle et notre bien-être général. Mais, à l’heure du télétravail, de l’hyper connexion et des rythmes hybrides, ce sont ces pauses qui ont été les premières à disparaître. Les explications d’Anne-Charlotte Vuccino, fondatrice et CEO de Yogist (1), dans cette première chronique Well At Work.
Avez-vous remarqué ? Exit les moments pour rêvasser dans les transports en commun sur le trajet domicile – travail, les temps de coupure entre deux réunions en visioconférence qui se suivrnt désormais à un rythme infernal (et pour lesquelles la tolérance pour les retards se réduit comme peau de chagrin), les occasions informelles d’échanger avec son voisin d’open space. La journée professionnelle et la vie personnelle s’enchaînent dans le même espace, et la déconnexion se fait de plus en plus rare.
Plus que jamais, la pause s’impose
La pause est désormais une exception plutôt qu’une règle et qu’un rythme, alors qu’elle est indispensable, justement, à un travail de qualité. Tout comme le repos fait partie de la performance du sportif. Tout comme une formule 1 a besoin de repasser au stand ou de faire le plein.
Comme le dit bien la neuroscientifique Isabelle Simonetto, le cerveau étant un grand consommateur d’énergie, il a besoin de se reposer pour fonctionner au mieux. C’est pour cela que les « pauses cérébrales » sont nécessaires. Encore faut-il définir leur nature, car il ne s’agit pas de surfer sur Internet ! Une pause cérébrale, c’est ne rien faire – sans pour autant dormir. C’est, par exemple, laisser vagabonder son esprit sans idée ou pensée précise, sans questionnement ou planification. C’est regarder des gens parler dans le métro plutôt que de pianoter sur son téléphone, c’est contempler un paysage ou observer son entourage, c’est prendre le temps de respirer tout simplement, surtout si l’on passe sa journée « sous l’eau », en apnée.
Respirer, c’est re-pauser son cerveau
Il ne faut jamais oublier que notre cerveau utilise 20 % de notre énergie, c’est énorme ! Il a besoin de deux choses pour rester performant : oxygène et sucre. De sucre, nous n’en manquons pas, il y en a pléthore dans l’alimentation de nos pays développés. Mais pour l’oxygène, c’est une autre histoire. Nous avons perdu l’habitude (ou nous ne l’avons jamais apprise !) de respirer profondément et consciemment. Or, manquer d’oxygène, lorsque cela ne menace pas notre survie, a des conséquences immédiates sur notre acuité et notre plasticité cérébrale, c’est-à-dire notre capacité à créer de nombreuses connexions entre les neurones. En somme, notre capacité à avoir les idées « claires ». Par exemple, une personne en hypoxie (en manque d’oxygène) dans une pièce pleine de CO2 percevra peut-être le danger d’intoxication, mais ne pensera pas à s’enfuir pour autant. Son cerveau ne sera plus capable de « réagir » correctement, de prendre les bonnes décisions.
La bonne pause : 2 minutes toutes les 20 minutes
Nous savions naturellement prendre ces pauses cérébrales, ces respirations naturelles, lorsque nous n’avions pas de smartphone dans les mains. Aujourd’hui, il faut éduquer notre cerveau à se reposer en changeant consciemment nos comportements et en adoptant des routines de travail et de concentration différentes. En intégrant des pauses régulières à notre journée, comme dans la méthode Pomodoro. On peut décider de s’isoler pour se concentrer complètement pendant 20 minutes, puis se lever, changer d’endroit et faire un exercice de respiration, ou bouger et s’étirer pendant 2 minutes avant la prochaine réunion, le prochain email, la prochaine visioconférence. C’est le rythme idéal pour que notre cerveau exploite pleinement ses capacités de concentration et de mémoire.
Des pauses vertueuses pour le corps et l’esprit
Nous sommes de plus en plus nombreux à être des sédentaires sportifs. A pratiquer une activité physique le soir ou le weekend mais à ne pas bouger de nos chaises la journée, parfois plus de 12 heures d’affilée. C’est ce manque de mouvement dans nos positions de travail (et non les postures de travail elles-mêmes, fussent-elles particulièrement voutées ou tordues !) qui sont à l’origine de l’explosion des troubles musculosquelettiques et autres maux de dos.
Dans la méthode YOGIST – Well At Work, nous avons développé des pauses pour le corps et pour le cerveau. Parce que nous ne sommes pas (encore des machines), notre corps est encore notre principal outil de travail. Celui qu’on ne peut laisser au vestiaire le matin et ignorer ses besoins des heures durant en espérant le récupérer en bon état le soir. Tout comme notre cerveau, il a peu évolué depuis des millénaires ; il a été conçu pour chasser dans la savane, et non pour rester immobile entre 4 murs. Faites-le bouger à la fin de chaque email, de chaque tâche, tout en respirant pour oxygéner votre matière grise. Nul besoin de courir un marathon ou de réaliser des acrobaties pour cela.
La pause se joue aussi en équipe
La bonne pause, c’est celle qui combine respiration et mouvement physique : elle est ainsi doublement efficace. Et quand elle est réalisée collectivement, pour démarrer une réunion dans les bonnes conditions de concentration, pour retrouver un peu d’énergie au milieu d’un long projet, ou pour se détendre pendant une période de stress, elle permet de recréer du lien au sein d’une équipe– même à distance ! En collectif, la pause n’est pas une perte de temps à combattre, une absence à contrôler, mais un levier de productivité. Et si c’était ça, le management 4.0 ?
source : Courrier Cadres