Avec une augmentation de 75% en douze petites années, l’absentéisme au travail est en passe de devenir un véritable fléau qui laisse perplexe tant les dirigeants d’entreprises que les services ressources humaines et les milieux de la santé au travail. Du jamais vu, en fait.

En 2011, un salarié était absent en moyenne quatorze jours par an, ce qui n’est déjà pas rien mais semble dérisoire en regard des dernières données chiffrées : il serait aujourd’hui absent un mois par an en moyenne, 25 jours plus précisément, avec une accélération  de 36% ces six dernières années. Il s’agirait, selon certains, d’une sorte de fuite, l’évitement d’une situation ressentie comme insupportable tandis que, pour d’autres observateurs, cet absentéisme galopant constituerait le marqueur incontestable d’une inquiétante dégradation de la santé au travail. Mais l’une des réponses rassure-t-elle vraiment plus que l’autre ? Pas sûr.

En tout cas, ni les milieux dirigeants, ni les milieux de la santé ne pourront éviter bien longtemps de se pencher sur le sentiment d’intensification de la charge de travail ressentie par la plupart des salariés, conséquence directe de la marche forcée vers toujours plus de productivité, ni les nouvelles exigences et contraintes souvent en rapport avec l’informatisation de l’ensemble des tâches, ni la dégradation des conditions de travail observée à peu près partout.

Une situation inédite pour les cadres

Le niveau d’absentéisme des cadres, quant à lui, pulvérise tous les records comme le confirme la 8ème édition du baromètre Malakoff Humanis établi sur un échantillon de 3 500 salariés du secteur privé. Du jamais vu : en 2022, 53% des managers ont connu un arrêt-maladie, soit autant et même un peu plus que l’ensemble des salariés en général. Il s’éloigne à grands pas le temps du manager taillable et corvéable à merci, invincible ou tout au moins jamais malade, omniprésent et toujours bon pour le service ! L’étude souligne que, depuis 2016, date de création du baromètre, jamais de tels chiffres n’ont été atteints. Leur absentéisme a augmenté de 9 points sur cette relativement courte période.

Cette progression de l’absentéisme des managers surpasse donc les autres avec une envolée de 13% de plus qu’en 2021, suivie par celle des 18 à 34 ans établie à 12% (taux d’absentéisme à 58%) et celles des femmes et des plus de 50 ans toutes deux à 7% de progression et s’établissant respectivement à 55 et 41%. C’est finalement chez les femmes et les “seniors” que sont observées les moins fortes progressions.

Les managers paient le prix fort cette situation difficile

L’analyse des résultats de ce baromètre prouve à l’évidence que ce sont les managers qui font principalement les frais de cette dégradation des conditions de travail et de la productivité à outrance puisque la moitié d’entre eux s’affirme stressés au travail (contre 38% pour le non-managers, ce qui est déjà considérable). Ce sont des chiffres auxquels il ne faudrait surtout pas s’habituer et une situation que l’on doit s’interdire de banaliser.

La double-peine pour les cadres et managers, c’est d’avoir en plus à gérer cet absentéisme croissant de leurs équipes  et son cortège de réorganisations, surcharge de travail pour les présents et accompagnement au retour à l’emploi. Sans parler des nouvelles difficultés inhérentes au développement du télétravail et du travail hybride auxquels ils n’étaient pas forcément préparés.

La situation que nous décrivons ne peut et ne doit plus être ignorée, ni tue sous peine de devenir ingérable et d’assister passivement à la dégradation continue des indicateurs de turn-over, d’absentéisme et de toutes autres manifestations de fuite et d’évitement. Pour des raisons basiquement comptable, la direction Adecco tente en ce moment-même de limiter plus encore la représentation des cadres dans les instances mais, affirmons-le ici, ce serait la certitude d’un désastre annoncé en matière de ressources humaines, de pertes de compétences et, n’ayons pas peur des grands mots, de pérennité de l’entreprise. Ce ne serait à tout le moins pas la meilleure méthode pour fidéliser et retenir les talents, en capter d’autres, dynamiser les ambitions et reprendre les parts de marché envolées. C’est notre rôle de représentants des cadres de le rappeler.

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