Les profits insolents de nombre de groupes transnationaux sur fond d’inflation galopante et de salaires en décrochage complet avec le coût de la vie, ne pouvaient laisser indifférents la classe politique qui tente d’allumer des contrefeux avec un débat réactualisé sur le partage de la valeur.

Le partage de la valeur en entreprise désigne tous les dispositifs permettant d’associer les salariés à la performance et au capital de leur entreprise. Que ce soit l’intéressement qui permet aux salariés de recevoir une prime proportionnelle aux performances de l’entreprise ou la participation, autre dispositif d’épargne salariale qui réglemente une redistribution d’une partie des bénéfices au profit des salariés selon une formule légale rigoureuse mais minimale que peut bonifier l’entreprise, le partage de la valeur peut donc s’effectuer selon différents dispositifs.

Pour ceux qui imaginaient passer au tiroir-caisse rapidement, la désillusion risque d’être de taille et même si la démarche de partage de la valeur impulsée par le gouvernement fait son bonhomme de chemin, disons qu’elle avance d’un pas de sénateur.

Nous voulons bien entendu évoquer la promesse de la Première  ministre et le projet de loi déposé pour avis au Conseil d’État et aux Caisses de Sécurité sociale le 28 avril dernier, il y a un peu plus d’un mois et qui n’était lui-même que la reprise d’un accord sur le partage de la valeur, élaboré par les partenaires sociaux. Ce texte, comprenant 15 articles se décline principalement en quatre axes qui sont : le dialogue social sur la classification des salariés – ce qui obligera forcément notre direction à s’intéresser enfin au sujet et à répondre à nos attentes -, la généralisation des dispositifs de partage de la valeur… Là aussi, il y a du pain sur la planche… Viennent enfin la simplification du recours à ces sujets et le développement de l’actionnariat avec une offres de fonds dits “verts” dans les plans d’épargne salariale.

Voici des sujets qui devraient occuper copieusement et durablement notre service ressources humaines.

La classification professionnelle

Il s’agit sur le sujet de favoriser un classement objectif et lisible des niveaux des salariés, de leurs compétences, de leur ancienneté et des tâches accomplies dans l’objectif louable de clarifier les possibilités d’évolution de leur rémunération et de progression professionnelle dans l’entreprise. En bref et pour faire simple, minimiser la gestion au doigt mouillé et les “primes de gueule”. Vaste chantier mais essentiel. Jusque-là, tout va à peu près bien, même si l’entreprise a pris un retard considérable sur le sujet, mais c’est dès que l’on touche au grisbi que les choses ont tendance à devenir davantage confuses et même évanescentes…

Le partage de la valeur

C’est avec beaucoup (trop) de circonspection  qu’est abordé le sujet de la généralisation du partage de la valeur puisqu’il nous est annoncé que “le projet de loi prévoit d’obliger les organisations représentatives de chaque branche professionnelle à engager des discussions sur l’opportunité de réviser leur classification avant fin 2023, si elles ne l’ont pas déjà fait depuis plus de cinq ans”. “Engager des discussions sur l’opportunité de réviser leur classification…” La formulation nous apparait insuffisamment franche du collier, un peu comme lorsqu’une ex-DRH rétorquait à chacune de nos demandes qu’elle “ne s’interdisait pas d’y réfléchir”. En fait, elle ne s’autorisait donc pas forcément à y réfléchir. Alors, de là à accepter et à mettre en œuvre, c’est une autre histoire. Ah, les trésors de la sémantique !

Le texte prévoit néanmoins le lancement d’expérimentations pour les entreprises de moins de 50 salariés et il est vrai que les textes disponibles mettent essentiellement l’accent sur les PME et les TPE. En revanche les entreprises de plus de 50 salariés déjà pourvues d’un accord d’intéressement ou de participation au moment de la publication de la loi ont dorénavant l’obligation de négocier sur la répartition des bénéfices exceptionnels et d’engager une négociation d’ici le 30 juin 2024 afin de définir précisément la notion de bénéfice exceptionnel et les modalités de son partage au moins partiel. Il vaudrait mieux ne pas trop compter sur ces rentrées pécuniaires pour honorer vos toutes prochaines factures.

Quand l’ANI part en sucette

L’accord national interprofessionnel (ANI) prévoyait une meilleure répartition de ces bénéfices “exceptionnels” réalisés par les grandes entreprises sous une forme à définir allant du versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement à une nouvelle négociation sur la définition d’un dispositif de partage de ces bénéfices exceptionnels. Encore reste-t-il à définir, nous l’avons vu, ce qui caractérise des bénéfices “exceptionnels” ! C’est une notion à préciser, selon le texte, par l’employeur lui-même. Hélas, le Conseil d’État ayant jugé cette mesure “entachée d’incompétence négative”, le gouvernement change son fusil d’épaule et renvoie désormais ce point essentiel à une négociation d’entreprise. Plutôt inquiétant lorsque l’on connait les arcanes du dialogue social dans nombre d’entreprises. Faisons ici le pari que le partage avec les salariés des bénéfices “exceptionnels” risque de se faire un peu attendre…

En résumé, la démarche est intéressante et attendue depuis tellement longtemps. Nous avons toujours été porte-parole, quantité d’article sur ce site en témoignent, d’une plus juste répartition des résultats de l’entreprise et d’une rémunération équilibrée du capital et du travail. La première étape qui vient d’être franchie s’avère encourageante et nous sommes évidemment prêts à négocier dans l’intérêt de tous mais devons évidemment aussi demeurer mobilisés et bannir toute naïveté en la matière. De toute manière, un partage de la valeur ne relève en rien de la philosophie ou d’une quelconque doctrine mais s’évaluera très concrètement sur les fiches de paie et comptes en banque des salariés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici