Son nom parle à tout le monde, pourtant le congé sabbatique est rarement utilisé, étant peu connu dans ses détails. Cela pourrait changer à l’avenir car il constitue une option intéressante et rassurante dans une optique de développement personnel et professionnel : pour prendre du temps et du recul, pour trouver un meilleur équilibre de vie et pour sortir de la routine grâce à des expériences nouvelles. Décryptage avec une DRH, une avocate et une reconvertie qui a utilisé ce dispositif avant de se réorienter.

La pandémie a provoqué de nombreux chamboulements, incité à la prise de recul, à l’introspection, aux questionnements personnels et professionnels. Si bien que le désir de break et/ou de changement chez beaucoup d’actifs pourrait se traduire par un intérêt croissant pour le congé sabbatique… « Les confinements successifs ont entraîné des pauses forcées et empêché de voyager, donc l’attrait pour ce type de dispositif n’était pas d’actualité, souligne Marie Barbier, DRH chez Morning, spécialiste des espaces de travail. Néanmoins, dans un avenir proche, je pense que l’envie de bouger va se faire davantage ressentir, pour rompre une certaine routine, voire une lassitude. »La durée légale

Cette société fait partie de celles qui appliquent de manière souple le congé sabbatique, quand le code du travail prévoit une fourchette de six à onze mois. « Cependant, sa durée, comme certaines autres conditions, peut varier car il existe une grande liberté d’interprétation pour les accords collectifs d’entreprise, les accords de branche et les conventions collectives, précise Me Nadia Belaïd, avocate au Barreau de Paris intervenant en droit du travail. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas besoin de donner un motif ou une raison à ce congé. En principe, on ne doit pas être employé par un concurrent, mais, selon la jurisprudence, si cela n’entraîne pas d’actes de concurrence déloyale, il n’y a pas d’objection à cela. » Le congé sabbatique signifie la suspension du contrat de travail pour les salariés qui y ont recours, donc l’interruption de la rémunération octroyée par la structure que l’on quitte temporairement. En outre, le collaborateur qui s’absente n’acquiert ni ancienneté, ni droit à des congés payés. En revanche, il peut poser ceux qu’il avait accumulés, ou bien, si l’employeur donne son accord, utiliser son compte épargne-temps. « C’est un droit intéressant pour les salariés, et peut-être n’en ont-ils pas tellement conscience, observe Me Nadia Belaïd. Or, cela peut permettre de tester son projet de reconversion ou de création d’entreprise tout en gardant la sécurité de son emploi originel. Ou de s’occuper d’un proche, de faire un long voyage, etc. Comme on accorde de plus en plus d’importance au bien-être, et au temps que l’on prend pour soi, peut-être que cela va se développer. » Reste que son application n’est pas automatique, explique l’avocate : « Dans les entreprises de plus de 300 salariés, il ne peut être refusé, seulement différé ou reporté en raison, notamment d’un manque d’effectif. Dans les structures aux effectifs inférieurs, l’employeur peut refuser, après avis du comité social et économique, en justifiant des conséquences préjudiciables à la bonne marche de la société. »

Un tremplin vers la reconversion

Cécile Michel, quadragénaire parisienne qui travaillait à la direction des ressources humaines d’un grand groupe de transport, a eu la chance de voir sa demande acceptée : « J’avais terminé un projet et mon absence ne gênait donc pas l’organisation ni les équipes. Refuser et m’obliger à rester aurait entraîné une démotivation de ma part qui n’était pas dans l’intérêt de mon employeur… » Elle a mis à profit cette période pour se lancer dans l’entrepreneuriat et devenir menuisière : « C’est un super dispositif que j’ai utilisé à partir de fin 2017, pendant onze mois. Je ne voulais pas prendre un congé sans solde qui ne me garantissait pas de retrouver salaire et poste équivalent en cas d’échec. Attention tout de même, il faut avoir les moyens financiers ! Soit en ayant économisé, soit en trouvant un autre emploi rémunéré pendant le congé sabbatique. »

Les conditions pour prendre un congé sabbatique

Pour en bénéficier, il faut remplir plusieurs conditions : avoir effectué six années d’activité professionnelle dans sa carrière, pas forcément chez le même employeur, et avoir une ancienneté d’au moins 36 mois, consécutifs ou non, dans l’entreprise à qui l’on demande le congé sabbatique. Néanmoins, une convention collective ou un accord d’entreprise peut prévoir des règles différentes. Ainsi, chez Morning, il n’y a pas d’années de présence minimales exigées, détaille Marie Barbier : « En effet, nos équipes sont assez jeunes. Les demandes sont souvent intervenues après deux ans d’ancienneté. Nous préférons donner notre accord et avoir un salarié qui s’épanouit plutôt qu’un collaborateur frustré par un refus, pas motivé, voire qui part de l’entreprise alors que c’était un bon élément. Aujourd’hui, on est dans une société de l’instantanéité et comme les gens ont envie de vivre différentes expériences, le congé sabbatique est pratique pour cela. En dix ans d’existence, Morning a connu une petite dizaine de congés sabbatiques, sur 280 employés actuellement. Par exemple, un salarié qui a aidé sa femme à vendre des fleurs sur les marchés. Ou bien des projets de création d’entreprise et, surtout, de longs voyages. En général, c’était pour six mois, personne n’ayant opté pour le maximum de presqu’un an. »

Source : Courrier cadres

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