SuccessFactors est un logiciel de “gestion des talents” basé sur le cloud dont la plupart d’entre nous ont au moins entendu parler mais souvent sans bien en appréhender les enjeux et potentialités mais aussi les contraintes et lourdeurs. Mentionner en préambule que le rachat de SuccessFactors par SAP s’est négocié à 3,4 milliards de dollars donne une idée des enjeux de ces géants du numérique qui s’entendent pour phagocyter les entreprises et s’imposer comme garants de leur survie.
L’argumentaire de l’éditeur a plutôt de quoi faire saliver le CEO lambda : “Recruter les meilleurs candidats, impliquer les collaborateurs, développer leurs compétences, nous assurer que chacun d’eux est récompensé et valorisé grâce à des outils en libre-service, mobiles, disponibles partout et à tout moment“. Pour les récompenses et la valorisation on va quand même attendre les prochaines NAO…
Le logiciel SuccessFactors s’inscrit directement dans le cadre du recours à l’IA générative (intelligence artificielle) et devrait accompagner un grand tournant dans le domaine des ressources humaines chez Adecco. Ce nouveau système, destiné en toute logique aux fonctions RH auxquelles il apportera outils et conseils, se déploie en ce moment et depuis au moins un an et demi dans les 67 pays dans lesquels le groupe est implanté et il ne s’agit donc en aucun cas d’une mesure nationale ou même européenne. On nous affirme, et là nous vous demandons une foi inébranlable, une confiance aveugle, qu’il s’agit de simplifier – non il ne s’agit pas d’un gros mot – notre façon de gérer les ressources humaines, grâce à la mise en place d’outils que l’on nous dit performants, “qui se parlent entre eux” et “facilitent le reporting”. Il est bien précisé ici et là qu’il ne s’agit que d’une première étape, une première “brique” qui devrait permettre assez rapidement de moderniser et “remplacer certains outils existants”. Rien n’est dit, en revanche, sur d’éventuels remplacements de personnels de la fonction RH qui pourraient bien finir à leur tour dans les “clouds“, mais des remontées sourcées font état d’une délocalisation en Bulgarie de certaines tâches basiques liées à la gestion des ressources humaines pour les permanents. Nous avions déjà évoqué récemment les tests portant sur la relance des relevés d’heures menés avec le Maroc.
SuccessFactors relève d’une orientation délibérée du groupe Adecco vers une utilisation massive, accélérée et généralisée de l’IA, ce qui ne surprendra évidemment pas nos adhérents et tous nos collègues qui nous lisent régulièrement. Nous restons dubitatifs sur les bénéfices réels de ce système en regard de son coût financier, de la complexité, des lourdeurs, des formations continues et continuelles, turn-over oblige, des dysfonctionnements et autres réglages qu’impliquent un pareil déploiement mais là n’est finalement pas notre sujet : l’avenir confirmera ou infirmera assez rapidement nos doutes.
En revanche, pour ce qui nous concerne dans notre rôle et fonctions de représentant du personnel cadre de l’entreprise, c’est l’imposition aux managers, Directeurs d’agence, de Hub et autres, d’un lourd travail de saisie des embauches, sorties, mouvements et cela de façon détaillée. La fameuse simplification, cette avenante Arlésienne dont on nous parle tant, ne semble pas près de montrer son joli minois ! SuccessFactors est un système déployé au bénéfice (nous dit-on) des fonctions RH et nous ne voyons vraiment pas pourquoi les managers devraient se transformer en opérateurs de saisie à leur service ! Leur charge de travail, notamment administratif, de gestion et reporting, n’est-elle pas suffisamment importante pour que l’on continue à en rajouter encore et encore ? D’autant qu’il devront continuer à remplir, en doublon donc, les formulaires d’embauche.
L’intelligence artificielle, ChatGPT et l’ensemble des systèmes associés reposent sur des bases de données elles-mêmes générées par de titanesques saisies et il est aujourd’hui exigé des managers qu’ils contribuent à les alimenter alors que l’on sait leur influence et autonomie plus que réduites en la matière. Au nom de l’ensemble des cadres et managers que nous représentons, nous nous élevons contre leur mobilisation à des fins dont ils ne bénéficieront pas et alors même que le marché exige plus que jamais davantage de présence et de disponibilité, tant auprès de leurs équipes que des clients qui, rappelons-le, nous font vivre.
Dernière suggestion st surtout piste de réflexion : quels résultats en termes de fidélisation des salariés permanents et donc de professionnalisation et de motivation pourrait-on obtenir en affectant les millions et sans doute dizaine de millions que le groupe versera au final pour cette bascule vers l’intelligence artificielle – appellation grand public un peu grotesque puisqu’il ne s’agit en aucun cas d’intelligence – aux salariés de l’entreprise ? Est-ce que cela n’aurait pas valu le coup de tenter l’expérience – réajustement des grilles de salaires, variable motivant, intéressement, participation… ? A méditer sous le ciel de Zurich.
Adecco investit plus sur la “machine” que sur l’ Homme.
Belle image pour le “leader des Ressources Humaines”. Le relationnel, l’empathie, l’écoute, l’affect que déploient les équipes agences sont irremplaçables.
Cette “valeur ajoutée” que la Direction d’ Adecco ne veut pas reconnaître (cela reviendrait à dire qu’ au-delà de l’ Enseigne, ce sont les gens en agence qui font la différence), la concurrence elle sait la récompenser.
Je suis encore étonné qu’il reste des “dinosaures” chez Adecco alors que continuellement cette entreprise leur “crache à la figure” ….mais bon, il faut croire qu’ils aiment cela!!