C’est maintenant au tour de la rupture conventionnelle d’entrer dans le collimateur du gouvernement, au prétexte que cette convention de séparation à l’amiable créée dans le cadre de la loi portant modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 n’inciterait pas à chercher, ni reprendre un travail (sic).
Ce serait donc, pour nos élites, un frein au retour à l’emploi mais surtout un mode de rupture du contrat de travail amiable permettant au salarié de bénéficier d’indemnités chômage et c’est bien là que le bât blesse. Que la rupture conventionnelle permette, grâce à cet aspect amiable de la séparation, d’éviter les litiges qui engorgent les prud’hommes, ne semble pas effleurer l’esprit de nos énarques à la recherche d’économies tous azimuts et de statistiques flatteuses.
La mise en cause de ce dispositif surprend d’autant plus lorsqu’elle émane d’apôtres de la flexibilité dans le monde du travail et d’une simplification administrative prônée à temps et à contretemps sinon mise en œuvre. D’autant que le système fonctionne au-delà de toutes les espérances de ses concepteurs, avec un demi-million de ruptures conventionnelles conclues l’an dernier. Pour Élisabeth Borne, Premier ministre et, accessoirement, adepte du tir au gros calibre (49.3), le dispositif n’inciterait pas “à chercher ou à reprendre un travail car aujourd’hui, plus personne ne démissionne” et, surtout, la RC permet de bénéficier d’allocations, au détriment du régime d’assurance-chômage. Ceci posé, pour qui n’a pas suivi l’ENA, difficile de comprendre la corrélation entre le fait de quitter à l’amiable son entreprise et celui de ne pas rechercher ou reprendre un travail…
Rappelons quand même que le dispositif de rupture conventionnelle avait précisément été conçu pour favoriser l’embauche en CDI par les entreprises, en leur assurant un mode de séparation non conflictuel en cas de litige et en leur permettant d’éviter ainsi une multiplication de procédures couteuses, hasardeuses et chronophages. “Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès”, prétend la sagesse populaire. Oui, mais si en plus l’arrangement s’avère satisfaisant pour les deux parties, il est où le problème, il est où ?
Il est purement comptable et financier, nous le comprenons bien mais si ce projet de réforme voire de suppression du dispositif venait à se concrétiser, les salariés ne se bousculeraient guère plus pour démissionner et nous assisterions au retour en force des licenciements à gogo et à une inflation de procédures prudhommales… avant que soit réinventé un succédané de la rupture conventionnelle. Faire, défaire, refaire… c’est finalement toujours la même histoire.
Et si au lieu de suivre les arguties comptables d’un gouvernement impécunieux nous nous interrogions sur les causes de cette inflation de ruptures conventionnelles qui incite chaque année des centaines de milliers – 500 000 pour la seule année 2022, rappelons-le – de salariés et d’employeurs à vouloir se séparer ? Et si, dans la foulée, nous nous penchions sur les raisons profondes de la démotivation d’une partie grandissante des salariés ?
J’aurais fini l’article en écrivant « surtout chez Adecco » ?