L’année 2024 s’ouvre dans un contexte inflationniste encore marqué qui annonce des négociations difficiles face à la problématique de perte continue de pouvoir d’achat des salariés.

La période 2021-2023 s’achève sur des négociations salariales particulièrement tendues dans un contexte d’inflation jamais connu auparavant. Les prévisions pour l’année 2024 marquent un tournant dans la dynamique d’évolution des prix. En perspective des négociations salariales à venir, tour d’horizon des prévisions d’inflation et d’évolution de salaires pour 2024.

LA CRISE INFLATIONNISTE EST-ELLE DERRIÈRE NOUS ?

Avec un indice des prix à la consommation de 4,9 % en moyenne annuelle, l’année 2023 reste teintée d’un niveau d’inflation élevé, similaire au niveau record de 5,2 % atteint en 2022.Selon les dernières prévisions de l’Insee, la hausse des prix devrait commencer à ralentir pour atteindre les 4 % dans les mois à venir, et redescendre à 2 % d’ici la fin de l’année. Un scénario sur lequel s’aligne le gouvernement, qui table sur une inflation moyenne à 2,6 % en 2024. La Banque de France est quant à elle un peu moins optimiste et prévoit d’atteindre ce niveau en 2025.

Si les prévisions se rejoignent sur un reflux de l’inflation, cela est dû à la stabilisation des prix observés sur le marché de l’alimentaire, des énergies et des services. Malheureusement pour le pouvoir d’achat, cette baisse de l’inflation ne signifie pas que les prix vont mécaniquement baisser, mais plutôt que leur progression va ralentir.Malgré ces prévisions à la baisse, la prudence reste de mise (l’économie n’étant pas une science exacte). Souvenons-nous que lorsque la hausse des prix a commencé à s’emballer en 2021, nombre d’analystes ont jugé ce phénomène inflationniste temporaire, alors qu’il s’est installé sur plusieurs années.

LES NAO 2024 VONT-ELLES ÊTRE À LA HAUTEUR ?

Alors qu’en 2023, les enveloppes d’augmentation se situaient en moyenne entre 4 et 5 % avec une plus forte proportion d’augmentations générales (AG) que les années précédentes, les prévisions pour 2024 sont à la baisse : 3,5 % pour le cabinet Lee Hecht Harrison, 3,8 % pour Deloitte et 3,9 % pour Willis Towers Watson. Seul Mercer fait exception en maintenant une enveloppe prévisionnelle identique à celle de 2023, avec une médiane à 4,9 %.

Si les prévisions sont à la baisse, la part d’augmentations généralisées le sont également selon les cabinets Sia Partners et Sextant. Ces derniers anticipent, en compensation à de moindres augmentations générales, davantage d’individualisation à travers les augmentations et les primes individuelles. La dynamique s’annonce également favorable pour les dispositifs complémentaires tels que les suppléments d’intéressements et/ou de participation, les mesures dédiées à la mobilité, la compensation des écarts de rémunération femmes-hommes, etc. La piste de ces « packages salariaux » est ainsi privilégiée au détriment d’une revalorisation du salaire de base, pourtant garante de la préservation du pouvoir d’achat des salariés.

BILAN DES NÉGOCIATIONS SALARIALES SUR 2021-2023

À l’image des accords collectifs signés ces dernières années, les négociations salariales ne se focalisent plus uniquement sur la revalorisation du salaire de base. Sia Partners et Sextant ont récemment publié les résultats d’une enquête sur l’analyse d’un panel de près de 2 000 accords conclus entre 2021 et 2023. Ils en tirent les principaux enseignements suivants :

  • Les augmentations générales sont présentes dans 86 % des accords et cette proportion est en hausse en raison du contexte inflationniste.
  • 50 % des accords prévoient des augmentations individuelles. Celles-ci ont toujours le vent en poupe, en particulier dans les secteurs de la construction, de l’industrie et de l’information/communication.
  • 5 % des accords (1 entreprise sur 20) prévoient une prime de partage de la valeur (ou « prime Macron ») dont le montant moyen est de 728 euros.
  • 11 % des accords intègrent le versement d’un supplément d’intéressement ou de participation.
  • 63 % des accords (2/3 des entreprises) prévoient des mesures en lien avec l’égalité femmes-hommes.
  • Seulement 12 % des accords sont concernés par des mesures en faveur de la mobilité durable, qui peinent encore à se déployer.

IMPACT DE L’INFLATION SUR LES SALAIRES

L’année 2024 s’ouvre dans un contexte inflationniste encore marqué, qui annonce des négociations difficiles face à la problématique de perte continue de pouvoir d’achat des salariés. Les prévisions de baisse rapide de l’inflation (plus ou moins contestées par les économistes) feront sans doute pencher la balance de la négociation vers de moindres revalorisations générales et pérennes des salaires.

Pourtant, si la dynamique prévisionnelle est à une accalmie au niveau des prix, cela ne compense en rien des années de perte de pouvoir d’achat accumulées, qui sont le fruit d’une course à deux vitesses entre les salaires et l’inflation. Depuis le premier semestre 2021, on observe en effet un net décrochage de l’évolution des salaires par rapport à celle de l’inflation. Si bien que l’évolution des salaires en euros constants, c’est-à-dire corrigée de l’inflation, est devenue négative.

Cette situation est particulièrement marquée pour les cadres et les professions intermédiaires, les salaires des employés et des ouvriers étant davantage portés par les hausses successives du Smic. D’après les dernières données de la Dares (ministère du Travail), sur un an au troisième trimestre 2023, le salaire mensuel de base en euros constants a diminué de 0,1 % pour les ouvriers, de 0,5 % pour les employés, de 0,7 % pour les professions intermédiaires et de 1,1 % pour les cadres.

Les années 2020-2023 sont ainsi particulièrement marquantes pour le pouvoir d’achat des salariés, avec une baisse qui n’avait jamais été observée sur les 60 dernières années. Pour rattraper ce retard, il faudrait que les salaires devancent l’inflation pendant un certain temps. D’où l’enjeu de taille concernant les prochaines NAO qui, plutôt que de s’aligner sur des prévisions d’inflation à la baisse, doivent s’efforcer de venir compenser la perte de pouvoir d’achat accumulée depuis des années par des revalorisations pérennes du salaire de base (et non des périphériques).

Anaïs Filsoofi

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