Encore une étape supplémentaire dans le démontage accéléré de notre système de protection sociale qui pour n’être plus, et loin de là, “le meilleur au monde” n’en demeure pas moins le plus cher de la planète. Selon le vieux slogan commercial impérissable, rabâché notamment au moment des soldes et autres liquidations, il semble maintenant acquis que “tout doit disparaitre”.
En attendant d’autres régressions sociales, d’énièmes ponctions fiscales directes et indirectes, de nouveaux abaissements sur les conditions de retraite et la ruine (déjà bien avancée) de tout un chacun, voici l’annonce des prochaines mesures régressives à l’encontre des demandeurs d’emploi et notamment des “seniors” dont tout le monde sait pourtant qu’il s’agit de la partie de la population active la plus discriminée dans le monde du travail et par conséquent celle qui peine le plus à décrocher un emploi. On admirera au passage (ou l’on s’inquiétera plutôt) de l’étonnante patience sinon passivité de nos concitoyens… Quoiqu’il en soit, voici les prises de position sur le sujet de François Hommeril, président de la CFE-CGC. (NDLR)
Article relevé sur Marianne.fr
C’était à prévoir. Gabriel Attal a annoncé mercredi, au « 20 heures » de TF1 un nouveau tour de vis sur l’assurance chômage, précarisant encore un petit peu plus les demandeurs d’emploi, après deux réformes aux effets délétères. Alors que les partenaires sociaux avaient trouvé un accord pour suivre la feuille de route du gouvernement sur les nouvelles modalités de l’attribution des indemnités journalières, cette annonce a provoqué la colère du monde syndical. Dans la ligne de mire du Premier ministre, la durée d’indemnisation, qu’il souhaite réduire « de plusieurs mois », avec une réforme dès cet été.
François Hommeril, ingénieur de formation et président de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) depuis 2016, répond à Marianne sur la face cachée de la communication gouvernementale : une stigmatisation des chômeurs toujours plus affirmée pour mettre sous le tapis les cadeaux faits aux entreprises et aux plus aisés
Marianne : Par ce énième coup de boutoir à l’assurance chômage, le gouvernement fait-il payer aux chômeurs la situation économique et les cadeaux aux entreprises ?
François Hommeril : Cette réforme est totalement populiste, c’est-à-dire qu’elle stigmatise une population, la désigne comme un bouc émissaire. Mais c’est sans lien avec les cadeaux faits aux plus riches, parce que de toute façon, la problématique financière dans laquelle on baigne est d’un ordre très supérieur à cela. Le régime d’assurance chômage est excédentaire depuis 1997. Donc, de toute façon, les excédents sont consommés par l’État tout le temps pour financer Pôle emploi, pour financer les politiques publiques.
Il est prévu, dans la projection de l’Unedic, que l’État récupère déjà douze milliards d’euros. Donc tout le discours d’Attal est adapté pour détourner l’attention des gens. L’objectif n’est pas de gagner de l’argent. Il est de dire que si nous n’obtenons pas les résultats que nous prétendions avoir avec notre politique économique, c’est de la faute des chômeurs. C’est pour ça que ce discours est insupportable. Tous les arguments manipulés sont faux. Il est démontré qu’ils sont faux. Ils stigmatisent les chômeurs. C’est l’exacte définition du populisme.
On focalise l’attention là-dessus alors que l’élément le plus massif de la politique économique du gouvernement, ce sont les aides aux entreprises, aux alentours de 200 milliards d’euros. Ça a doublé depuis l’élection de Emmanuel Macron. C’est ça, l’énorme scandale. Ce n’est pas les quelques centaines de millions qu’on va gratter sur la tête des chômeurs qui vont aider à équilibrer le budget de l’État. Focaliser l’opinion sur les chômeurs, leur mettre le grappin médiatique dessus, détourne l’attention de ce qui est le véritable scandale de l’échappement de l’argent public vers les secteurs économiques et les entreprises.
Alors que les partenaires sociaux avaient trouvé un accord sur l’assurance chômage en décembre 2023, le gouvernement passe à une nouvelle réforme, est-ce une marque de mépris pour les syndicats ?
Avec le gouvernement d’Attal, on atteint un sommet dans le cynisme. C’est le mot qui définit aujourd’hui la caractéristique du gouvernement de Gabriel Attal. Les partenaires sociaux, en aucun cas, ne seront des partenaires pour Gabriel Attal. Ce sont des instruments qu’il va essayer d’écarter : il va simplement les utiliser dans son discours comme il l’a fait il y a deux jours en disant qu’ils sont en train de travailler. Il ne connaît absolument rien, Gabriel, il n’a jamais négocié avec quiconque sur quoi que ce soit, il est d’une inculture absolue sur la question sociale, il ne connaît rien à rien. C’est uniquement un élément de langage pour lui. Ce n’est qu’un appui dans sa politique de communication pour détourner l’attention des gens.
Par ailleurs, il va essayer de disqualifier les partenaires sociaux à chaque instant, en posant des éléments tactiques de calendrier, des lettres de cadrage, etc. Il n’a aucunement confiance en ce qu’ils peuvent produire : nous produisons des éléments de vérité puisque nous sommes ancrés dans la réalité des situations, donc on ne peut que se poser de façon perpendiculaire avec leur discours.
À quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le gouvernement prend-il le risque d’un nouveau printemps social ?
Ils parient évidemment sur le fait que le chômeur a mauvaise presse et ne va pas mobiliser les foules. Je pense qu’ils ont minimisé le niveau d’exaspération. Ils vont tellement loin dans l’indécence du discours, dans cette utilisation ad libitum du mensonge comme un élément de communication, que ça se voit trop. Ça fait souffler un mauvais vent sur la population.
Ils minimisent le fait que nous, les organisations syndicales, avons gagné la bataille de l’opinion à l’occasion de la réforme des retraites. L’opinion nous fait confiance et ne leur fait pas confiance. Ils minimisent la société en tant que telle. Ils minimisent la capacité des Français à comprendre à quel point ils les méprisent. Ils méprisent leur intelligence et leur capacité à comprendre ce qui se passe.
Tout ça mis bout à bout, ça nous envoie vers une période de grande incertitude. Pour les JO, ils parient sur le fait que personne n’osera s’attaquer à ce grand événement. Ce que je sais, c’est que rien ne se passe jamais comme prévu. Ils parient toujours sur la bêtise des Français, nous parions plutôt sur leur intelligence, et chaque jour qui passe nous donne plutôt raison.
Source : Marianne
CQFD