Contexte politique incertain, situation économique, JO de Paris, négociations entre partenaires sociaux… Président confédéral, François Hommeril fait le point et appelle à un dialogue social renforcé.

Quelle lecture faites-vous de la situation politique nébuleuse consécutive aux élections législatives ?Sans entrer dans le caractère atypique ou inextricable d’une situation politique donnée, le plus important est que demain, après-demain, si possible pas trop tard, nous ayons un interlocuteur et un pouvoir exécutif. Quel qu’il soit et quelles que soient les conditions dans lesquelles il s’est formé, la CFE-CGC lui accordera toute son attention en fonction des projets qu’il voudra bien engager. Nous les examinerons et serons prêts, toujours avec un haut niveau d’exigence, à proposer et à travailler pourvu qu’on nous sollicite. En tant qu’organisation syndicale représentative, la CFE-CGC continuera, dans le cadre des travaux parlementaires de la prochaine Assemblée nationale, à rencontrer les formations politiques, à faire valoir nos arguments, nos propositions d’amendements, etc.

Quelles seront les attentes de la CFE-CGC ?

Il faudra aussi compter avec nous pour défendre les populations de l’encadrement qui ont été particulièrement malmenées dernièrement, sans cesse convoquées à financer davantage la solidarité inter-catégorielle tout en étant de plus en plus privées des bénéfices de celle-ci. Force est de constater que le bilan social des précédents gouvernements a été négatif ces dernières années. Je pense en particulier aux réformes brutales des retraites et de l’assurance chômage. Il en a été de même s’agissant du paritarisme avec des décisions de plus en plus verticales pour contourner les partenaires sociaux malgré leur connaissance du terrain.

« La question de l’attractivité du monde du travail, en recul, appelle des réponses fortes »

Qu’en est-il du contexte économique ? La situation des finances publiques en France est « inquiétante », selon la Cour des comptes.

La Cour des comptes fait beaucoup de politique et, au-delà des projections et des coups de menton pour signifier que les Français devront encore en baver un peu plus, on aimerait l’entendre sur des sujets fondamentaux tels que l’audit des aides publiques accordées aux entreprises, sur l’efficacité réelle du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et des réductions de cotisations sur les bas salaires. La situation économique est assez préoccupante et cela ne date pas d’aujourd’hui. Le plus inquiétant, ce ne sont pas les grands indicateurs sur lesquels s’escriment les économistes de tout poil mais le détachement croissant des salariés dans les entreprises. Le manque de perspectives pour développer leur carrière. Les difficultés qu’il y a pour chacun à s’investir dans ses projets professionnels. Le manque de reconnaissance quant à la prise de responsabilités et la baisse de motivation que cela génère. L’économie et le social sont les deux faces d’une même pièce. Cette question de l’attractivité du monde du travail, en recul, appelle des réponses fortes.

Les Jeux Olympiques débutent le 26 juillet. Qu’en est-il de la charte sociale qui avait été signée par les organisations syndicales dont la CFE-CGC ?

C’est un événement planétaire et j’en souhaite évidemment la réussite, notamment pour toutes celles et ceux qui ont et vont contribuer, par leur travail, au bon déroulement global de ces JO. Signée en juin 2018 par les organisations syndicales et patronales, la charte sociale a notamment permis d’encadrer les chantiers de construction des sites olympiques, d’imposer et de faire respecter des standards sociaux en matière de droit du travail, de sécurité et de conditions de travail pour toute la chaîne de sous-traitance. Finalement, les résultats ont été à la hauteur en termes d’accidentologie. Dès lors qu’on est exigeants sur les normes, on obtient des résultats. Tout le monde devrait s’en inspirer, en premier lieu le pouvoir exécutif qui, au contraire, a eu tendance à multiplier les exceptions au Code du travail – par exemple la suppression de la journée de repos obligatoire -, considérant qu’en toute matière, la condition sociale doit être inféodée à la question économique.

La CFE-CGC a cosigné le 11 juillet un communiqué dans lequel les organisations syndicales appellent à un rôle renouvelé et renforcé du dialogue social. Pourquoi une telle démarche ?

Ce communiqué de presse existe, il est important et on ne peut pas exclure que chaque syndicat ait eu des motivations différentes à le signer. Comme tout texte commun, il reprend une formulation minimale dans laquelle chacun peut se reconnaître. Quelle est l’ambition de la CFE-CGC dans cette initiative ? Elle est de dire que le gouvernement, quelle que soit la façon dont il est constitué, sera un gouvernement faible au sens politique du terme. Il ne pourra a priori pas compter sur une majorité parlementaire solide et aura donc besoin de s’appuyer sur un consensus social réel, bien réel, s’il veut faire des réformes. Les organisations syndicales ont fait le chemin de travailler ensemble, de surmonter leurs différences. Elles ont été capables de présenter une vision plus ou moins unifiée de la société au travail qu’elles représentent. Elles viennent de passer des années difficiles durant lesquelles le pouvoir politique les a en permanence affrontées et déconsidérées. Aujourd’hui la CFE-CGC vient dire au prochain gouvernement qu’il ne pourra pas faire sans elle et qu’elle compte sur lui pour rééquilibrer le rapport de force avec le patronat dans les négociations.

« La réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage doivent être abandonnées »

Y a-t-il une chance de voir remises en cause la réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage ?

L’une et l’autre doivent être abandonnées. La réforme de l’assurance-chômage est au placard et il est assez peu probable – et en tout cas pas souhaitable – qu’elle en sorte. Comme nous l’avons dit et argumenté, cette réforme est basée sur une succession de contre-vérités dans l’analyse des chiffres et des faits sur le chômage. Elle aurait pour conséquence de voler l’argent des salariés dont les cotisations ne baissent pas et dont les prestations baisseraient si la réforme était appliquée.

Pareillement, la réforme des retraites a imposé à l’ensemble de la population un recul des droits injuste et inefficace pour la seule raison que l’État ne veut pas assumer ses responsabilités de financement de la retraite des fonctionnaires et qu’il veut les faire payer par tout le monde. Le seul moyen qu’il a trouvé est de passer par une sorte de système unique dans lequel toutes les réserves sont fongibles, dont celles de l’Agirc-Arrco. Alors même que la retraite des fonctionnaires n’est pas un système par répartition. Et donc qu’on mélange ce qui n’est pas miscible !

Le dossier retraites est corrélé étroitement par la CFE-CGC à celui de l’emploi des seniors, inclus dans la négociation Pacte de vie au travail, laquelle s’est terminée par un échec.

Si elle s’est terminée par un échec, c’est clairement parce que le gouvernement et le patronat l’ont torpillée. Parce qu’ils n’avaient aucun risque à ce qu’il n’y ait pas d’accord. Il n’empêche que le problème de l’emploi des seniors n’est pas réglé et qu’il va rester prégnant dans les mois et années qui viennent. Avec ses corollaires : la pénibilité, la formation, l’évolution professionnelle, la diminution du temps de travail. Des centaines de milliers de personnes en fin de carrière sont « stockées » dans des situations comme Pôle Emploi, le RSA ou soumises à d’autres statuts précaires en attendant de pouvoir liquider leurs droits, alors qu’elles pourraient contribuer à l’activité économique. Dès lors, ouvrons le dossier, pourquoi pas sous la forme d’un dialogue tripartite avec l’État. Ce n’est quand même pas la mer à boire d’avoir assez d’intelligence de terrain pour regarder ce qu’est la situation d’une personne au travail à partir de 55 ans et mettre en place des solutions.

Quelles sont les autres négociations en cours entre partenaires sociaux ?

Il est intéressant de voir que celle qui patinait sur les AT/MP a été activée par le patronat au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale. Cela nous a permis de trouver un accord très satisfaisant, validé à l’unanimité par le comité directeur de la CFE-CGC. Comme quoi parfois le contexte politique, en mettant un petit coup de pression à la partie patronale, peut aider à obtenir des résultats… Quant à la négociation sur la gouvernance des groupes de protection sociale (GPS), elle présente peu d’interférences de calendrier avec la situation politique. Elle concerne des dizaines de milliers de salariés avec des enjeux financiers considérables pour des millions de clients qui reçoivent des prestations de la part de ces organismes. Les GPS constituent le cœur vibrant du paritarisme dans le domaine de l’action sociale en France. Il est crucial que nous ayons les idées claires sur la gouvernance de ces entités. De ce que j’en sais, la négociation, conduite pour la CFE-CGC par Christelle Thieffinne, secrétaire nationale à la protection sociale, avance bien.

« Laisser aux partenaires sociaux la capacité d’exercer leurs prérogatives »

Avant la rentrée sociale, quel message souhaitez-vous faire passer aux adhérents et aux militants CFE-CGC ?

Nous devons être des interlocuteurs de choix du prochain pouvoir exécutif sur toute une liste de sujets relevant de la sphère économique et sociale. Il faut laisser aux partenaires sociaux la capacité d’exercer leurs prérogatives. La CFE-CGC et ses militants ne manquent pas de propositions pour défendre les collectifs de travail et nos collègues. Au bout du bout, il n’y a pas de réussite économique s’il n’y a pas, sur le terrain, dans les entreprises, des gens qui s’impliquent et qui assument des responsabilités.

Propos recueillis par Mathieu Bahuet et Gilles Lockhart

Source : site confédéral CFE-CGC

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