Mauvaise élève à l’échelle de l’Union européenne, la France arrive au 4ème rang des pays les plus touchés par les accidents du travail. Mais une véritable prévention semble se dessiner.

DES STATISTIQUES D’UN AUTRE ÂGE
En 2021, 604 565 accidents du travail, dont 645 mortels, ont été déclarés par l’Assurance Maladie – Risques professionnels, la branche de la Sécurité sociale en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) pour les salariés du régime général. En 2022, l’Assurance Maladie a recensé 564 189 accidents du travail, dont 738 mortels. Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie, a beau écrire (synthèse annuelle « L’essentiel 2022 ») que « la sinistralité AT/MP s’inscrit dans une baisse tendancielle depuis près de 15 ans », le chiffre d’un demi-million d’accidents du travail par an en France est effarant. Si on le rapporte à la population active de l’ordre de 30 millions de personnes, cela donne un accident de travail par an tous les 60 actifs.

SECTEURS D’ACTIVITÉ ET FACTEURS DE RISQUE
Les accidents de travail en 2022 sont surtout survenus au sein des activités de santé, du nettoyage et du travail temporaire (29 %), dans l’alimentation (17 %), le transport (15 %) et le BTP (14 %). Les manutentions manuelles représentent le premier facteur de risque avec un accident sur deux, devant les chutes de plain-pied ou de hauteur (30 % des accidents). On relève également près de 90 000 accidents de trajet : 60 % sont imputables à la perte de contrôle d’un moyen de transport et 16 % à une glissade ou un trébuchement avec chute. En 2022, 286 décès ont été consécutifs à des accidents de trajet, dont 76 % d’origine routière. Le recours aux modes de mobilité « douce » augmente, en particulier dans les zones urbaines, et se mesure par 8,5 % d’accidents de vélo ou de trottinette.

PRISE DE CONSCIENCE DU GOUVERNEMENT ET DES SECTEURS
Le gouvernement a engagé, en septembre 2023, une campagne de communication pour sensibiliser les entreprises, les salariés et le grand public. Suivant le mot d’ordre « Sécurité au travail : responsabilité de l’entreprise, vigilance de tous », la campagne réaffirme l’existence des mesures légales de prévention et de protection et la nécessité de les mettre en œuvre. Le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué, le 27 mars dernier, qu’il prévoyait de « réunir l’ensemble des partenaires – partenaires sociaux, élus, parlementaires – pour une grande initiative sur ce sujet ». Côté secteurs, le BTP a initié en mai dernier une campagne de sensibilisation autour des chutes de hauteur, première cause d’accidents graves, voire mortels, dans la profession. Une prise de conscience compassionnelle mais aussi économique : les arrêts de travail liés aux chutes de hauteur durent quatre mois en moyenne, contre deux mois et demi pour les autres accidents.

MOBILISATION SYNDICALE
Pour passer à la vitesse supérieure, les syndicats, CFE-CGC en tête, ont envoyé, fin mars, à la ministre du Travail, Catherine Vautrin, une lettre ouverte lui réclamant des actions pour « prévenir les atteintes à la santé des travailleurs », notamment en renforçant les pouvoirs des représentants du personnel dans les entreprises. Ils invitent la ministre à « rétablir et renforcer » les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises. Ces commissions ne peuvent plus nommer des experts, contrairement à ce que leurs prédécesseurs, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), supprimés depuis 2020 par les ordonnances Macron. Les syndicats demandent aussi le renforcement des effectifs des « préventeurs » (pour la sécurité au travail) et de l’inspection du travail, ainsi que la suppression des dérogations pour l’affectation des jeunes à des travaux dits « dangereux ».

L’AMBITIEUX ANI DE MAI 2023
Les partenaires sociaux sont d’autant plus fondés à houspiller le gouvernement qu’ils ont conclu en mai 2023, au terme d’un an de négociation, un accord national interprofessionnel (ANI) sur la prévention, la réparation et la gouvernance de la branche AT/MP. Après consultation de ses instances le 27 juin, la CFE-CGC l’a signé en soulignant, par la bouche de Maxime Legrand, son secrétaire national en charge de l’organisation et de la santé au travail, qu’il présentait « des avancées en matière de prévention, de réparation et de gouvernance ».

Sur le développement de la prévention primaire en particulier, l’ANI prévoit d’améliorer la connaissance des accidents graves et mortels avec des statistiques et des analyses détaillées sur les circonstances, les secteurs d’activité, le type de contrat de travail, le secteur géographique, etc. Il prévoit également une augmentation des aides financières aux employeurs par la branche AT/MP. Sous l’impulsion de la CFE-CGC, ces aides seront évaluées et contrôlées. Entre autres points d’un ANI très étoffé.

LA RESPONSABILITÉ DE L’EMPLOYEUR
Selon le Code du travail, l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il a l’obligation légale de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. Concrètement, le responsable est celui qui détient les pouvoirs de direction sur le personnel : propriétaire ou gérant d’une entreprise individuelle ; gérant(s) d’une SARL ; président d’une société anonyme avec conseil d’administration ; directoire de manière collective (sauf s’il y a répartition des tâches) d’une SA avec directoire et conseil de surveillance ; administrateur judiciaire d’une entreprise en redressement judiciaire ; président d’une association.

L’INDEMNISATION D’UN ACCIDENT PROFESSIONNEL
Comme le détaille le guide CFE-CGC pratique « Arrêt de travail », la reconnaissance de l’origine professionnelle d’un accident donne droit à une prise en charge à 100 % des frais liés à cet accident, que ce soient des frais médicaux, des frais d’hospitalisation, des frais de transport médicalement justifiés, ou encore des frais de rééducation (fonctionnelle, professionnelle, ou liés à un reclassement par exemple). Il n’y a pas à avancer l’ensemble de ces frais si l’on présente la feuille d’accident du travail remise par l’employeur. Ces frais sont pris en charge jusqu’à la guérison ou la consolidation de l’état de santé, et même au-delà si des soins sont nécessaires à cause des séquelles. Attention : il s’agit d’une prise en charge à 100 % sur la base et dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale.

LE CSE DISPOSE D’UN POUVOIR D’ENQUÊTE
Le Code du travail donne au comité social et économique (CSE) la possibilité de réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT/MP). Dès qu’un AT/MP a lieu dans l’entreprise, l’employeur doit en informer le CSE (ou la CSSCT) qui peut décider, par un vote à la majorité, de mener une enquête. Le CSE peut également consulter les déclarations d’accident et le registre des accidents bénins.

Les heures passées aux enquêtes menées à la suite d’un accident du travail grave, ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave, sont comptées et payées comme du temps de travail effectif. Le temps d’une enquête réalisée à la suite d’un accident sans gravité est imputable sur les heures de délégation.

L’enquête n’a pas pour but de déterminer les éventuelles fautes ou responsabilités du salarié mais de comprendre les causes de l’accident afin qu’il ne se reproduise pas. Si le CSE avait auparavant informé l’employeur d’un danger ou que des incidents répétés ont eu lieu sans qu’aucune mesure ne soit prise, alors la responsabilité de l’employeur peut être engagée.

Le CSE est également un acteur central dans la prévention en identifiant les risques, en proposant des ajustements dans les procédures de travail et en encourageant la sensibilisation au sein de l’entreprise, en collaboration avec les services de sécurité et de santé au travail.

Source : site confédéral CFE-CGC

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici