L’Insee a révélé cette semaine son étude annuelle sur la pratique du télétravail. Celui-ci reste stable depuis la fin de l’épidémie de covid, avec près d’un salarié sur cinq le pratiquant régulièrement. Sans surprise, les cadres sont toujours la catégorie socioprofessionnelle qui y recourt le plus.
22% des salariés du secteur privé ont pratiqué le télétravail au moins une fois par mois au premier semestre 2024. L’étude de l’Insee « Télétravail et présentiel », publiée le 5 mars, confirme que le travail hybride est désormais « une pratique ancrée dans les entreprises ».
Elle s’est stabilisée ces dernières années, après une hausse logique durant les périodes de confinement et de restrictions qui ont accompagné la crise sanitaire de covid de 2020 à 2022 : jusqu’à 30% des salariés étaient en télétravail fin mars 2020. Les télétravailleurs sont alors plus souvent en télétravail total (44% en novembre 2020, 35% en avril 2021, mais seulement 5% en mars 2022, avec la levée des restrictions).
Si le taux a depuis diminué, il reste bien supérieur aux 4% de 2019, et s’est stabilisé depuis le printemps 2022 autour de 22%. Sauf en hiver : au dernier trimestre de chaque année, il tourne plutôt autour de 24%. On peut imaginer un impact de la météo ou de la circulation des maladies infectieuses.
Le nombre de jours moyens de télétravail a légèrement diminué depuis la fin de la crise sanitaire – avec là aussi une légère hausse durant l’hiver – et s’élève à 1,9 jour par semaine au deuxième trimestre 2024 : le télétravail s’ancre donc pleinement dans un mode de travail hybride. Un salarié sur cinq ayant télétravaillé récemment aurait souhaité le faire sur un plus grand nombre de jours, quand à peine un sur vingt aurait souhaité le faire moins souvent.
Si le télétravail ne concerne qu’une (grosse) minorité de salariés, c’est avant tout parce qu’il n’est possible que pour certains postes. Ainsi, quand le poste est télétravaillable 70% des salariés y recourent. Mais entre juillet 2022 et juin 2024, 11% n’ont pas pu le faire, dont la moitié par refus de leur employeur et un sur cinq ne l’a pas souhaité.
La pratique du télétravail est portée par les accords sur le sujet, qui le formalisent et en définissent des contours. Il peut s’agir d’un accord direct entre le salarié et l’entreprise, d’un accord collectif au sein de l’entreprise, ou encore d’une charte interne. Là aussi, ces accords ont augmenté suite à la pandémie. 4% des accords d’entreprise signés en 2022 abordent le télétravail, contre 1% en 2017. Et le nombre de jours de télétravail rendu possible par ces accords a augmenté : plus de la moitié des accords sur le télétravail entre 2017 et 2019 prévoyait la possibilité d’un jour hebdomadaire au maximum. En 2022, seuls 27,8% ne prévoient plus qu’un jour. La majorité (54,48%) prévoit maintenant deux jours hebdomadaires, et 13% prévoient même la possibilité de trois jours. Sans surprise, toutes caractéristiques égales par ailleurs, un salarié d’une entreprise ayant signé un accord de télétravail est plus susceptible d’y avoir recours que celui d’une entreprise sans accord. Et plus le nombre de jours prévus dans l’accord est élevé, plus les salariés sont susceptibles de faire du télétravail, et avec plus de jours en télétravail.
Les caractéristiques de l’entreprise influent également sur la pratique du télétravail. Si, entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2024, 18% des salariés privés télétravaillent au moins une fois par mois dans les PME (hors micro-entreprise), ils sont 26% dans les entreprises de taille intermédiaires, et 34% dans les grandes entreprises. Comme par le passé, la finance et l’information – communication restent les secteurs où le télétravail se pratique le plus – respectivement 60% et 75% de télétravailleurs réguliers (avec 2,3 jours hebdomadaires de télétravail, dans l’information – communication, pour les salariés concernés).
Les cadres plus grands télétravailleurs
Les cadres sont les plus nombreux à profiter du télétravail. C’était déjà le cas avant la pandémie, puisqu’en 2019, ils étaient 14% à le pratiquer régulièrement. Désormais, entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2024, ils sont 63% à y avoir recours régulièrement (contre 38% pour les professions intermédiaires, 21% pour les employés, 0% pour les ouvriers). Mais la pratique est inégalement répartie selon les professions. Les cadres administratifs et commerciaux et les ingénieurs et cadres techniques d’entreprise en font plus que la moyenne (respectivement 66% et 69%), tandis que la proportion est plus faible dans les professions de l’information, de l’art et des spectacles (43%), les professeurs et professions scientifiques (30%), et surtout les professions libérales, où seuls 18% des cadres télétravaillent. Une des raisons principales de ces écarts tient surtout à la part d’emploi télétravaillable : pour l’ensemble des cadres, elle est de 80%, contre 38% pour les professions intermédiaires, 21% pour les employés et 1% pour les ouvriers. Parmi les cadres, 84% des cadres administratifs, commerciaux, techniques et des ingénieurs ont un poste télétravaillable, contre seulement 47% des professions libérales.
Cependant, ce n’est pas la seule explication. En effet, presque 80% des cadres pouvant le faire télétravaillent, quand cela n’est le cas que de 50% des employés. 13% des employés qui ne télétravaillent pas alors que leur poste le permettrait en sont empêchés par leur employeur, quand cela n’est le cas que de 3% des cadres. Selon l’Insee, cela suggère « un pouvoir de négociation plus faible ou une confiance plus limitée de l’employeur » envers les employés.
Les cadres font aussi profiter les autres salariés de manière indirecte du télétravail. En effet, plus une entreprise comporte de cadres, plus les salariés sont susceptibles de faire du télétravail, y compris les salariés non cadres. La probabilité de faire du télétravail, toutes caractéristiques égales par ailleurs, est ainsi supérieure de 12,2 points dans les entreprises comportant au moins 40% de cadres, par rapport aux entreprises comportant moins de 20% de cadres.
D’autres caractéristiques influent, dans des proportions moindres, sur le recours au télétravail. Ainsi, les femmes y recourent un peu plus que les hommes, à caractéristiques et emploi identiques. L’Insee souligne que « selon différentes interprétations, le développement du télétravail maintiendrait l’inégale répartition des tâches domestiques au sein des foyers mais pourrait réduire cette inégalité en présence d’enfants en bas âge ». Or, les données de l’institut montrent que les parents d’enfants de moins de six ans n’ont pas plus recours au télétravail que la moyenne, contrairement aux parents d’enfants de six à 17 ans, qui le pratiquent un peu plus.
En ce qui concerne l’âge des télétravailleurs, ceux qui pratiquent le plus sont les 30-34 ans. Les moins de vingt ans et, dans une moindre mesure, les 20-24 ans et les plus de 55 ans sont les moins susceptibles de télétravailler. « Cela reflète non seulement le fait que les débutants occupent moins d’emplois télétravaillables, mais aussi qu’une plus forte proportion d’entre eux déclare que leurs employeurs ne souhaitent pas qu’ils télétravaillent, possiblement pour favoriser leur supervision et leur intégration au collectif de travail », souligne l’Insee. Les chiffres montrent aussi que les managers font moins de télétravail que les salariés sans responsabilité d’encadrement, qu’ils soient cadres ou non cadres.
Dernier enseignement : le logement joue sur le télétravail, tant sa localisation que sa superficie. Plus un salarié habite loin de son lieu de travail, plus il est susceptible de télétravailler. C’est particulièrement marqué au-delà de cinquante kilomètres. Selon l’institut de statistiques, cela peut « refléter le fait que les personnes habitant loin ont plus tendance à télétravailler compte tenu du temps de trajet mais également le fait que la possibilité de télétravailler permet à certaines personnes d’accepter un emploi plus éloigné ou de s’installer plus loin de leur lieu de travail ». De plus, avoir plus de 30m2 par personne dans le logement augmente la probabilité de télétravailler.
Source : Cadremploi